Depuis plusieurs années, j'écris des FF ainsi que des nouvelles. Je ne les publie pas sur le net, à tort peut-être, qui sait?
J'ai remarqué dernièrement un fait frappant: aucun de mes personnages n'est de couleur!
Ce qui est paradoxal, vu mes origines, pourtant, chaque fois que j'ai écrit, mes personnages, principaux, secondaires, étaient blancs. Aucun racisé.
Est-ce le fait que j'ai été élevée entourée de blancs? Que j'ai manqué de modèle de couleur étant gamine, et encore maintenant?
En tout cas, en ce qui concerne mes écrits, ça va changer.
Un petit peu de mon monde, de mes bonnes et mauvaises humeurs d'hier et d'aujourd'hui, de mon histoire. Un peu de ma vie de femme de couleur, adoptée, lesbienne, phobique sociale et émétophobe.
jeudi 29 décembre 2016
lundi 19 décembre 2016
Des envies d'évasion
Depuis quelques temps maintenant, je pense partir. Je trouve que je stagne ici, que c'est l'endroit de mes échecs, je n'avance pas et ça m'énerve.
Avant de tomber malade, j'étais une femme pleine d'énergie, qui ne rechignait pas à bosser hyper dur. J'ai perdu cette confiance en moi, cette étincelle et ça me déplaît.
J'ai envie de bouger mais pas seulement de changer de ville. J'ai envie de changer de pays, de continent. Le Canada m'attire, Montréal ou Toronto. Je me suis déjà renseignée, il existe des programmes d'entrée express à Montréal, et d'après ce que j'ai lu, mon CFC me permettrait de pouvoir bénéficier de ce programme. Le hic, c'est qu'il faut que j'aie travaillé minimum un an dans la branche avant ma demande d’émigration.
Je me dis que c'est faisable. J'ai un projet, un but, et je veux et dois mettre de l'argent de côté pour partir. Un déménagement intercontinental n'est pas gratuit.
Vendredi, j'ai rendez-vous avec une amie d'enfance qui vit à Montréal depuis en tout cas dix ans. Elle est en visite chez ses parents pour les fêtes, ça tombe bien. On va pouvoir discuter et je vais pouvoir lui poser plein de questions pratiques.
Une fois au Canada, je n'ai pas envie de continuer dans ma branche, mon truc, c'est la télé, le cinéma, les webséries. Oh, pas en tant que comédienne, mais en tant que scénariste ou/et productrice.
Il y a peu de temps, je suis devenue productrice exécutive de la saison 2 d'une websérie canadienne. J'aurais peut-être l'occasion d'aller sur le tournage, à Toronto, il faut juste que je me trouve rapidement un job, même alimentaire, afin de financer le voyage.
L'école de télévision et cinéma de Montréal me tente bien, il faudrait que je fasse des recherches plus approfondies, notamment en ce qui concerne les frais des cours, mais si je peux, j'aimerais beaucoup faire ces cinq mois de formation intensive.
Je n'ai pas d'enfant, pas de copine, "rien" ne me retient ici. De ma famille, qui compte vraiment, il n'y a plus que mes parents et mon frère. Ce dernier a largement les moyens de venir au Canada me voir chaque année. Quant à mes parents, entre Whatsapp, Skype et peut-être un voyage tous les deux ans, ce sera facile de communiquer.
J'ai leur ai déjà fait part de mon envie de partir. A mon grand étonnement, ils m'ont dit que si j'en avais besoin, que je devais le faire.
Mes amis, pareil, entre FB, Whatsapp et Skype, c'est simple de garder le contact. Et si tout ça se concrétise, il est évident que je reviendrai en Suisse pour quelques jours, aussi souvent que je le pourrais.
Je me donne trois ans pour réaliser ce projet. J'aimerais partir avant mes quarante ans.
Avant de tomber malade, j'étais une femme pleine d'énergie, qui ne rechignait pas à bosser hyper dur. J'ai perdu cette confiance en moi, cette étincelle et ça me déplaît.
J'ai envie de bouger mais pas seulement de changer de ville. J'ai envie de changer de pays, de continent. Le Canada m'attire, Montréal ou Toronto. Je me suis déjà renseignée, il existe des programmes d'entrée express à Montréal, et d'après ce que j'ai lu, mon CFC me permettrait de pouvoir bénéficier de ce programme. Le hic, c'est qu'il faut que j'aie travaillé minimum un an dans la branche avant ma demande d’émigration.
Je me dis que c'est faisable. J'ai un projet, un but, et je veux et dois mettre de l'argent de côté pour partir. Un déménagement intercontinental n'est pas gratuit.
Vendredi, j'ai rendez-vous avec une amie d'enfance qui vit à Montréal depuis en tout cas dix ans. Elle est en visite chez ses parents pour les fêtes, ça tombe bien. On va pouvoir discuter et je vais pouvoir lui poser plein de questions pratiques.
Une fois au Canada, je n'ai pas envie de continuer dans ma branche, mon truc, c'est la télé, le cinéma, les webséries. Oh, pas en tant que comédienne, mais en tant que scénariste ou/et productrice.
Il y a peu de temps, je suis devenue productrice exécutive de la saison 2 d'une websérie canadienne. J'aurais peut-être l'occasion d'aller sur le tournage, à Toronto, il faut juste que je me trouve rapidement un job, même alimentaire, afin de financer le voyage.
L'école de télévision et cinéma de Montréal me tente bien, il faudrait que je fasse des recherches plus approfondies, notamment en ce qui concerne les frais des cours, mais si je peux, j'aimerais beaucoup faire ces cinq mois de formation intensive.
Je n'ai pas d'enfant, pas de copine, "rien" ne me retient ici. De ma famille, qui compte vraiment, il n'y a plus que mes parents et mon frère. Ce dernier a largement les moyens de venir au Canada me voir chaque année. Quant à mes parents, entre Whatsapp, Skype et peut-être un voyage tous les deux ans, ce sera facile de communiquer.
J'ai leur ai déjà fait part de mon envie de partir. A mon grand étonnement, ils m'ont dit que si j'en avais besoin, que je devais le faire.
Mes amis, pareil, entre FB, Whatsapp et Skype, c'est simple de garder le contact. Et si tout ça se concrétise, il est évident que je reviendrai en Suisse pour quelques jours, aussi souvent que je le pourrais.
Je me donne trois ans pour réaliser ce projet. J'aimerais partir avant mes quarante ans.
L'inutilité de Noël
Comme chaque année, mon mois de décembre est ultra rempli. Et comme chaque année, je pense sérieusement à me faire greffer un deuxième, voire un troisième estomac.
C'est curieux que nous fêtions Noël. Il ne me semble pas que ma famille est croyante, ou alors, seule une partie.
Lorsque ma grand-même était encore vivante, c'est son anniversaire que nous fêtions le 25 décembre. Et ça nous permettait de nous retrouver en famille.
Les années avançant, il y a de moins en moins de monde autour de la table. Je me souviens qu'on a eu été jusqu'à dix-huit. Dimanche, nous ne serons que huit. Les plus vieux sont partis rejoindre ma grand-mère, ma belle-soeur a quitté mon frère, et ma tante ne piffre pas son propre fils. Je me demande à quoi sert ce repas. D'autant plus que ma tante, dès qu'elle a bu, devient très désagréable (xénophobie, homophobie et apologie de l'UDC).
Depuis des années, mon frère et moi disons à nos parents qu'ils devraient partir durant cette période. Que fêter Noël n'a pas lieu d'être et que ça éviterait bien des prises de tête.
ENFIN! Ils partent cette année, mais seulement après Noël. Je sens que ça va encore être des prises de bec, et ce goût amer, comme chaque fois, au moment où chacun rentre chez soi.
C'est curieux que nous fêtions Noël. Il ne me semble pas que ma famille est croyante, ou alors, seule une partie.
Lorsque ma grand-même était encore vivante, c'est son anniversaire que nous fêtions le 25 décembre. Et ça nous permettait de nous retrouver en famille.
Les années avançant, il y a de moins en moins de monde autour de la table. Je me souviens qu'on a eu été jusqu'à dix-huit. Dimanche, nous ne serons que huit. Les plus vieux sont partis rejoindre ma grand-mère, ma belle-soeur a quitté mon frère, et ma tante ne piffre pas son propre fils. Je me demande à quoi sert ce repas. D'autant plus que ma tante, dès qu'elle a bu, devient très désagréable (xénophobie, homophobie et apologie de l'UDC).
Depuis des années, mon frère et moi disons à nos parents qu'ils devraient partir durant cette période. Que fêter Noël n'a pas lieu d'être et que ça éviterait bien des prises de tête.
ENFIN! Ils partent cette année, mais seulement après Noël. Je sens que ça va encore être des prises de bec, et ce goût amer, comme chaque fois, au moment où chacun rentre chez soi.
lundi 5 décembre 2016
Ma famille est raciste #3
Il y a quelques temps, lors d'une sortie au resto avec ma mère, mon beau-père et mon frère, la discussion entre ces deux derniers basculent sur des joueurs de foot, lorsque mon beau-père sort:
- Ce n'est pas du racisme, mais il est turc.
Euh, oui, mais comment te dire? Le simple fait que tu dises ça, c'est du racisme. Mon frère et moi le lui avons expliqué.
Il y a moins d'un mois, ma mère, mon beau-père et moi sommes allés voir le film Dr Jack (que je vous conseille vivement). Avant le début du film, ma mère me dit:
- Tu savais que le docteur était juif?
Euh, oui, je le savais, mais et alors? On s'en fout. En quoi ça changerait le magnifique travail qu'il fait?
- Ce n'est pas du racisme, mais il est turc.
Euh, oui, mais comment te dire? Le simple fait que tu dises ça, c'est du racisme. Mon frère et moi le lui avons expliqué.
Il y a moins d'un mois, ma mère, mon beau-père et moi sommes allés voir le film Dr Jack (que je vous conseille vivement). Avant le début du film, ma mère me dit:
- Tu savais que le docteur était juif?
Euh, oui, je le savais, mais et alors? On s'en fout. En quoi ça changerait le magnifique travail qu'il fait?
Les maladies honteuses
La semaine passée, j'ai pris des nouvelles d'une copine, comme je le fais chaque semaine avec elle. A son message, j'ai senti qu'elle n'avait pas la forme et lui demande ce qu'il se passe. Elle me répond qu'elle ne va pas super bien mais qu'elle ne veut pas en parler. Je respecte, mais sachant qu'elle et sa copine se sont séparées il y a peu de temps, je m'inquiète quand même la moindre et lui dit que pas de soucis, je comprends mais que si elle veut en parler, je suis là, qu'elle a le droit d'être triste, etc.
Elle me dit alors que c'est d'ordre médical, et je m'interroge sur la raison qui fait qu'elle ne désire pas en discuter. Quelques minutes après, elle me dit qu'elle a honte, qu'elle n'ose pas me le dire.
J'avoue, sur le moment, je tombe des nues car franchement, comment et pourquoi avoir honte si on est malade? Elle me dit qu'elle a de l'herpès, que je ne sois surtout en parler à personne, qu'elle a hyper honte, qu'elle ne sait pas comment elle a attrapé ça.
Et là, je me dis que putain, la société est parfois vraiment pourrie, à faire croire aux gens que l'herpès est une maladie honteuse, en fait, que toutes les maladies sexuellement transmissibles sont honteuses. Ce sont des choses qui arrivent, tu attrapes une de ces maladies, tu es bien embêtée pendant un moment, et tu prends des antibiotiques et c'est bon, c'est réglé (pour la plupart, évidemment, une, malheureusement, continue de tuer).
Bref, j'étais assez en rogne contre les gens et les articles et l'ancienne génération qui pensent que parce que tu as une vie sexuelle active, tu es forcément une mauvaise engeance et que si tu attrapes quelque chose, tu l'as cherché, tu n'avais qu'à être abstinent/e ou n'avoir qu'un/e seul/e partenaire.
Je lui ai dit qu'elle n'avait pas à avoir honte, que son problème ne reflétait pas ce qu'elle avait lu sur le net, à savoir une mauvaise hygiène de vie et corporelle, qu'elle n'était en rien une traînée, etc. J'ai comparé ça au fait d'avoir des poux, ça arrive, ça ne signifie pas qu'on est sale (même si quand j'étais gosse, certains parents pensaient que oui). Elle m'a remerciée pour mes paroles, quelques jours plus tard. Je n'aurais jamais pensé qu'en 2016, des gens osent encore dire que les MST sont des maladies honteuses.
Cette promptitude à juger la vie des autres, ça me dépasse, que ce soit dans les médias, sur les réseaux sociaux ou certaines personnes de l'ancienne génération.
Elle me dit alors que c'est d'ordre médical, et je m'interroge sur la raison qui fait qu'elle ne désire pas en discuter. Quelques minutes après, elle me dit qu'elle a honte, qu'elle n'ose pas me le dire.
J'avoue, sur le moment, je tombe des nues car franchement, comment et pourquoi avoir honte si on est malade? Elle me dit qu'elle a de l'herpès, que je ne sois surtout en parler à personne, qu'elle a hyper honte, qu'elle ne sait pas comment elle a attrapé ça.
Et là, je me dis que putain, la société est parfois vraiment pourrie, à faire croire aux gens que l'herpès est une maladie honteuse, en fait, que toutes les maladies sexuellement transmissibles sont honteuses. Ce sont des choses qui arrivent, tu attrapes une de ces maladies, tu es bien embêtée pendant un moment, et tu prends des antibiotiques et c'est bon, c'est réglé (pour la plupart, évidemment, une, malheureusement, continue de tuer).
Bref, j'étais assez en rogne contre les gens et les articles et l'ancienne génération qui pensent que parce que tu as une vie sexuelle active, tu es forcément une mauvaise engeance et que si tu attrapes quelque chose, tu l'as cherché, tu n'avais qu'à être abstinent/e ou n'avoir qu'un/e seul/e partenaire.
Je lui ai dit qu'elle n'avait pas à avoir honte, que son problème ne reflétait pas ce qu'elle avait lu sur le net, à savoir une mauvaise hygiène de vie et corporelle, qu'elle n'était en rien une traînée, etc. J'ai comparé ça au fait d'avoir des poux, ça arrive, ça ne signifie pas qu'on est sale (même si quand j'étais gosse, certains parents pensaient que oui). Elle m'a remerciée pour mes paroles, quelques jours plus tard. Je n'aurais jamais pensé qu'en 2016, des gens osent encore dire que les MST sont des maladies honteuses.
Cette promptitude à juger la vie des autres, ça me dépasse, que ce soit dans les médias, sur les réseaux sociaux ou certaines personnes de l'ancienne génération.
samedi 19 novembre 2016
To Youtube or not to Youtube?
Depuis plusieurs années, je suis des webseries sur Youtube, ainsi que les chaînes de couples de femmes.
L'avantage avec ce média, c'est que contrairement aux séries maintream, la population LGBT+ est pas mal représentée, et très positivement. Dans les webseries, personne ne meurt (cf Couple-ish et Carmilla).
Quant aux chaînes de femmes LGBT+, elles sont pas mal du tout, même si je n'adhère pas à toutes.
Seulement, dans celles que je suis, beaucoup sont très jeunes, la plupart en couple, et j'avoue que je ne parviens pas à m'identifier à elles, vu mon âge et mon célibat. Je n'ai pas vécu ce qu'elles ont vécu (la lutte du coming out, par exemple, ou les idées suicidaires en se découvrant différentes).
Et toutes ces chaînes sont tenues par des anglophones. Où sont les fières lesbiennes et bisexuelles francophones? Je n'ai peut-être pas bien cherché, c'est vrai.
Quoi qu'il en soit, je suis de plus en plus tentée de créer moi-même une chaîne, mais ça signifie acheter du matériel vidéo, apprendre le montage, et surtout, être anxieuse de ne pas être suivie, s'attendre à des commentaires négatifs, parfois haineux (le mauvais côté des commentaires anonymes sur le web), ne pas être sûre du contenu à y mettre.
C'est une idée, bonne ou pas, qui me trotte dans la tête depuis un moment, je ne suis pas sûre de sauter le pas, mais si un jour je le fais, je mettrai ici le lien.
A méditer, et surtout, trouver le courage.
L'avantage avec ce média, c'est que contrairement aux séries maintream, la population LGBT+ est pas mal représentée, et très positivement. Dans les webseries, personne ne meurt (cf Couple-ish et Carmilla).
Quant aux chaînes de femmes LGBT+, elles sont pas mal du tout, même si je n'adhère pas à toutes.
Seulement, dans celles que je suis, beaucoup sont très jeunes, la plupart en couple, et j'avoue que je ne parviens pas à m'identifier à elles, vu mon âge et mon célibat. Je n'ai pas vécu ce qu'elles ont vécu (la lutte du coming out, par exemple, ou les idées suicidaires en se découvrant différentes).
Et toutes ces chaînes sont tenues par des anglophones. Où sont les fières lesbiennes et bisexuelles francophones? Je n'ai peut-être pas bien cherché, c'est vrai.
Quoi qu'il en soit, je suis de plus en plus tentée de créer moi-même une chaîne, mais ça signifie acheter du matériel vidéo, apprendre le montage, et surtout, être anxieuse de ne pas être suivie, s'attendre à des commentaires négatifs, parfois haineux (le mauvais côté des commentaires anonymes sur le web), ne pas être sûre du contenu à y mettre.
C'est une idée, bonne ou pas, qui me trotte dans la tête depuis un moment, je ne suis pas sûre de sauter le pas, mais si un jour je le fais, je mettrai ici le lien.
A méditer, et surtout, trouver le courage.
vendredi 18 novembre 2016
T'as changé
On ne me l'a pas dit en ces termes, en fait, la remarque a été moins sympa, mais on m'a fait comprendre dernièrement que depuis que j'avais baissé mes médicaments, j'avais changé.
Il faut interpréter par là que je suis moins à faire plaisir aux autres, et plus à m'écouter.
J'ignore si ce changement dans mon comportement est vraiment dû à mon sevrage, ou si j'ai eu un genre de révélation. Quoi qu'il en soit, il est vrai que je pense plus à moi, à me faire plaisir, à ce qui m'arrange, à ce que j'ai envie de faire, plutôt que de m'écraser devant l'autre. Seulement voilà, il semblerait que ça perturbe certaines personnes qui m'ont toujours connue en bonne poire.
Franchement, tant pis pour ces personnes, j'apprends à enfin vivre pour moi, petit à petit, et ça me convient très bien, j'en suis plutôt fière.
Il faut interpréter par là que je suis moins à faire plaisir aux autres, et plus à m'écouter.
J'ignore si ce changement dans mon comportement est vraiment dû à mon sevrage, ou si j'ai eu un genre de révélation. Quoi qu'il en soit, il est vrai que je pense plus à moi, à me faire plaisir, à ce qui m'arrange, à ce que j'ai envie de faire, plutôt que de m'écraser devant l'autre. Seulement voilà, il semblerait que ça perturbe certaines personnes qui m'ont toujours connue en bonne poire.
Franchement, tant pis pour ces personnes, j'apprends à enfin vivre pour moi, petit à petit, et ça me convient très bien, j'en suis plutôt fière.
vendredi 16 septembre 2016
Histoire de confiance
Je suis le genre de personne qui a facilement et rapidement confiance. Je vois le bon en chacun et il m'en faut vraiment beaucoup pour que cette confiance disparaisse.
Je pense que la trahison est le pire, je pense à Ma, au fait qu'elle m'ait trompée, et là, clairement, je n'avais plus en confiance en elle, même si j'essayais. Je me méfiais de ce qu'elle me disait et ne croyais plus à ses promesses (avec raison).
Si je parle de confiance aujourd'hui, c'est parce que mardi passé, j'ai envoyé un message à mon ex, puisque c'était son anniversaire et que je suis quelqu'un de gentil (je crois).
Elle m'a juste répondu merci, mais je ne le prends pas contre moi, ce manque d'envie de papoter. Je sais qu'elle a beaucoup en ce moment, et qu'elle n'a pas du tout envie de discuter.
Bref, tout ça pour dire que j'ai repensé à ce qu'elle m'avait dit, ses raisons pour me quitter et je me suis souvenue qu'elle m'a dit ne plus avoir confiance en moi.
Alors j'ai cherché, durant le peu de temps que nous avons été ensemble, pour quelle(s) raison(s) elle n'avait plus confiance en moi, qu'est-ce que j'avais pu faire ou dire.
Je ne suis pas parfaite, mais je ne suis absolument pas méchante. Je ne suis pas rancunière, je n'ai pas d'esprit de vengeance et je ne fais pas de mal intentionnellement.
Après beaucoup de réflexion, j'en suis venue à la conclusion que si elle ne me fait plus confiance, c'est parce que j'ai osé lui dire que je trouvais qu'elle ne s’investissait pas dans notre relation. Et parce que je lui ai balancé à la gueule, dans la même phrase, tout ce que j'avais fait pour elle, en comparaison de ce qu'elle n'avait pas fait pour moi (certes, c'était rat, je le sais et me suis excusée).
Donc je me demande, aurait-il fallu que je ne dise rien, que je pleure silencieusement dans mon coin en attendant qu'elle fasse attention à moi? Je trouve ça très malhonnête, et je préfère être franche. Surtout que c'était juste ce que je ressentais, ça ne voulait pas dire que c'était la réalité. Et quelque chose que je trouve fou: j'ai perdu sa confiance parce que j'ai été franche et honnête, par contre, son ex qui l'a manipulée, lui a fait du chantage affectif et l'a agressée (même si elle ne le voit pas ainsi), il a toujours sa confiance. Je cherche encore sa façon de raisonner.
Je pense que la trahison est le pire, je pense à Ma, au fait qu'elle m'ait trompée, et là, clairement, je n'avais plus en confiance en elle, même si j'essayais. Je me méfiais de ce qu'elle me disait et ne croyais plus à ses promesses (avec raison).
Si je parle de confiance aujourd'hui, c'est parce que mardi passé, j'ai envoyé un message à mon ex, puisque c'était son anniversaire et que je suis quelqu'un de gentil (je crois).
Elle m'a juste répondu merci, mais je ne le prends pas contre moi, ce manque d'envie de papoter. Je sais qu'elle a beaucoup en ce moment, et qu'elle n'a pas du tout envie de discuter.
Bref, tout ça pour dire que j'ai repensé à ce qu'elle m'avait dit, ses raisons pour me quitter et je me suis souvenue qu'elle m'a dit ne plus avoir confiance en moi.
Alors j'ai cherché, durant le peu de temps que nous avons été ensemble, pour quelle(s) raison(s) elle n'avait plus confiance en moi, qu'est-ce que j'avais pu faire ou dire.
Je ne suis pas parfaite, mais je ne suis absolument pas méchante. Je ne suis pas rancunière, je n'ai pas d'esprit de vengeance et je ne fais pas de mal intentionnellement.
Après beaucoup de réflexion, j'en suis venue à la conclusion que si elle ne me fait plus confiance, c'est parce que j'ai osé lui dire que je trouvais qu'elle ne s’investissait pas dans notre relation. Et parce que je lui ai balancé à la gueule, dans la même phrase, tout ce que j'avais fait pour elle, en comparaison de ce qu'elle n'avait pas fait pour moi (certes, c'était rat, je le sais et me suis excusée).
Donc je me demande, aurait-il fallu que je ne dise rien, que je pleure silencieusement dans mon coin en attendant qu'elle fasse attention à moi? Je trouve ça très malhonnête, et je préfère être franche. Surtout que c'était juste ce que je ressentais, ça ne voulait pas dire que c'était la réalité. Et quelque chose que je trouve fou: j'ai perdu sa confiance parce que j'ai été franche et honnête, par contre, son ex qui l'a manipulée, lui a fait du chantage affectif et l'a agressée (même si elle ne le voit pas ainsi), il a toujours sa confiance. Je cherche encore sa façon de raisonner.
jeudi 15 septembre 2016
Day walker
En 2005, je me suis essayée aux FF. Cette histoire m'appartient ainsi que les personnages. C'est évidemment de la fiction et toute ressemblance avec des personnes, des lieux, des événements ayant existés serait un pur hasard. J'ai puisé dans la mythologie vampirique, de Buffy à Blade en passant par les Chroniques de vampires d'Anne Rice. Ce texte date, soyez indulgents. Bonne lecture.
Day Walker
Chapitre 1
Un mal de crâne, monstrueux… Quand
avais-je ressenti une telle douleur pour la dernière fois ? Je ne m’en
souvenais même pas. Avant d’ouvrir mes yeux, j’ai eu conscience de la pluie qui
tombait, lointaine… J’essayais de relever ma tête, mais un haut le cœur me
stoppa. Etrange, je n’ai jamais de nausée si j’ai mangé. Je laissais
cette pensée de côté et me concentrais sur mes yeux, qui refusaient obstinément
de s’ouvrir. Dieu ! Depuis quand suis-je si faible ? Tant pis
pour mes yeux, essayons l’odorat. Je pris une profonde inspiration, me
préparant à analyser ce que mes sens allaient trouver. Je ne comprenais rien,
pas de vue, pas d’odorat… Mais que s’est-il passé ?
Un mois plus tôt
La nuit tombe, il est temps pour moi de
revêtir mon « costume ». Ce que j’appelle « costume » n’est
en fait qu’un long manteau de cuir noir ; une fois le col relevé, on ne
peut pas me distinguer dans les ténèbres nocturnes. J’enfile donc mon manteau,
m’approche de la fenêtre. Comme à chaque fois, je ne peux m’empêcher d’admirer
la vue. C’en est à couper le souffle. J’ai vraiment eu une riche idée de
m’installer au dixième étage de cette tour. Je peux voir toute la ville, sans
que personne ne me remarque, puisque dans cette petite ville, c’est moi qui vis
le plus haut… Choix très judicieux. J’ouvre grand la fenêtre, pose un pied sur
le bord et me retrouve debout dans l’encadrement. Un petit vent vient
s’insinuer dans mes cheveux de jais. Je scrute la ville qui s’étend à mes pieds,
je ferme les yeux et prend une profonde inspiration. Elle est là, je la sens,
cette odeur si imperceptible, si épicée. L’odeur de la peur, l’odeur de la
sueur. Je rouvre soudain les yeux, mon regard bleu s’affine, il devient perçant,
le bleu devient transparent. J’entends une sirène de police, et cette
délicieuse odeur qui vient me chatouiller les narines. Je tourne la tête, en
fonction du vent, afin que je puisse le localiser sans faute. Ça y est, tu es
là, je te vois, tu es à moi. Je m’élance de ma fenêtre, j’atterris juste devant
le portier de l’immeuble, mais je repars dans un tel éclair que, le pauvre ne
sait même pas ce qu’il s’est passé… Je le trouve rapidement, mmhhh, la peur,
quel parfum, si puissant, si reconnaissable. Mon gibier n’est pas mal ce soir,
genre Brad Pitt, en plus jeune. Je suis d’humeur joueuse aujourd’hui. Et oui,
c’est un des traits de caractères dont j’ai hérité, et j’avoue qu’avec ce genre
de gibier, je m’en délecte sans jamais me lasser. Serais-je un peu
sadique ? Peut-être, mais c’est ma nature, on ne peut renier ses origines,
n’est-ce pas ? Ah, il m’a senti, l’odeur de cuir de mon manteau je
suppose… Je lui lance un bonsoir, histoire qu’il se rende compte qu’il n’a pas
rêvé, il y a bien quelqu’un.
« Qui t’es toi ? »
Quelle impolitesse, est-ce de cette manière
qu’on s’adresse à une femme? Oh mais j’y pense, il ne m’a peut-être pas bien
vue. Il est vrai que dans le noir, on peut aisément me confondre avec un homme.
Ma taille, ma voix basse et presque rauque, mon regard…
« Qui je suis ? Hé bien, ça va
dépendre de toi… »
« Te fous pas de moi !!!! »
Oh, quel vocabulaire… Depuis toutes ces
années, ce gibier là n’a jamais changé, n’a jamais évolué. Toujours aussi faux,
aussi enragé, aussi meurtrier et aussi peu éloquent. Voyant que je ne bouge
toujours pas, absolument pas effrayée par son ton qui se veut menaçant, le
voilà qui sort un fusil. Je regarde un peu mieux ; c’est un fusil d’assaut
dont il a scié le canon ; ce genre d’arme, à moins d’appartenir à une
société de tir, ou de faire partie de l’armée, personne ne peut s’en procurer.
Un militaire ? Je m’approche de lui, renifle un peu : non, pas un
militaire, il n’a pas leur sang-froid. Il a peur, il entend les sirènes se
rapprocher, il ignore comment agir maintenant.
« Je pourrais faire une excellente
otage, si tu tiens à t’en sortir »
« Q-Quoi ? »
Aah, je suis à nouveau son centre
d’intérêt. Je déteste être ignorée lors de ce genre de rendez-vous. Non non, ce
n’est pas par vanité, mais ces moments-là, même si je ne les partage qu’avec
des meurtriers, ce sont des instants de pure magie, n’être plus qu’un, s’unir
dans un dernier soubresaut, et il faut que mon gibier soit très attentif, pour
qu’il se rende compte de la chance qu’il a… Je recommence.
« Alors ? Tu viens de tuer un
homme, un otage ne devrait pas te faire peur. »
Oh, il commence à m’ennuyer celui-là, belle
gueule, mais c’est tout. Je préfère quand ils ne réfléchissent pas, quand ils
se contentent de m’approcher, un sourire lubrique sur leur visage. Ce que les
hommes peuvent être prévisibles, surtout ceux-là.
Je suis toujours devant lui, le scrutant de
mon regard pénétrant, un petit sourire supérieur au coin des lèvres. Il ne se
décide pas, tant pis pour lui, ce sera plus douloureux. C’est toujours ainsi si
il n’y a pas consentement. Je m’approche doucement, tel un félin, à chaque pas
en avant de ma part, c’est un pas en arrière de la sienne. Je secoue la tête,
un petit sourire sur mes lèvres… Le mur… Le voilà coincé, pris en sandwich
entre ce mur et moi. Je tends la main, la pose sur son épaule gauche. Il n’y
rien vu et est tout surpris de sentir ce poids, il tourne la tête pour voir ma
main ; il n’en a pas le temps, je me colle à lui, près, si près que je
deviens presque une deuxième peau pour lui. Il a peur maintenant, vraiment
peur, je peux le sentir, ce n’est pas la même odeur que de craindre d’être
découvert, c’est la peur pour sa vie, la plus délicieuse des odeurs. Ses veines
se gonflent sur sa gorge, je sens son cœur battre dans chaque millimètre de son
corps. J’effleure doucement son cou de mon nez, je sens le nectar, ces effluves
me feraient perdre mes sens. J’approche mes lèves entrouvertes de cette veine
si gonflée. Un rapide coup d’œil en arrière, pour m’assurer que personne ne
nous voit ; malgré l’heure tardive, on n’est jamais trop prudent. Parfait,
le désert, pas un bruit, pas un battement de cœur, ni humain, ni animal, juste
lui et moi, seuls au monde. Je retrousse mes lèvres et laisse ainsi découvrir
mes canines. Si pointues, si coupantes. Telles l’aiguille d’une seringue, elles
s’enfoncent dans cette chair tendre, jusqu’à percer la veine. Mon gibier se
crispe, oui, c’est douloureux s’il ne coopère pas, mais c’est rapide ; je
ne « joue » avec ma nourriture que lorsque celle-ci est conquise. Un
bête instinct chevaleresque ? Une pointe d’humanité dans la noirceur, le
Yin du Yang ? Peu importe, je n’aime pas faire souffrir, même si celui ou
celle dont j’aspire la vie est le pire des assassins. Il lâche son fusil,
s’agrippe à moi, je sens qu’il met ses dernières forces dans cette étreinte.
C’est trop tard, tic tac, la dernière goutte de sang sonne son glas. Je me
défais de lui, juste avant qu’il ne rende son dernier souffle. Ne jamais
continuer de boire si ce n’est plus vivant. Ça ne me tuerait pas, mais il me
faudrait une bonne semaine pour me remettre de cet empoisonnement. Il tombe à
terre, je me relève, je lèche une goutte de sang au coin de ma bouche. Surtout
ne jamais perdre ce précieux nectar. Je sens la vie en moi, ce liquide chaud se
fraie un chemin dans mon corps, atteint mes organes, mon cœur. Dieu, que c’est
bon, s’il fallait le décrire pour les humains, je pourrais comparer cela à un
bon joint, puissance dix. Une sensation de bien-être, une certaine euphorie, se
sentir plus fort, sauf que dans mon cas, je suis vraiment plus forte, ce n’est
pas qu’une illusion… Un dernier regard à mon gibier, et je m’en vais. Je lève
la tête, jauge la distance et m’élance. Un petit saut et me voilà sur les
toits. Il n’y a pas à débattre là-dessus : c’est le meilleur endroit pour
moi. J’aime la hauteur, surtout la nuit. Toutes ces lumières, formant comme une
mosaïque géante. Je baisse les yeux et je vois que mon gibier a été trouvé. On
le dépouille de ce qu’il a. Sa plus grande richesse est probablement son fusil.
Il est d’ailleurs vite ramassé, par un type du même genre que lui. C’est ça,
regarde bien autour de toi, vérifie qu’on ne te voie pas. Fuis ! Je te
retrouverai, j’ai ton odeur en mémoire. Profite de ta vie, la semaine
prochaine, c’est ton tour. Je ne peux m’empêcher d’éclater de rire à cette
pensée. Aaaahhh, la ville a bien changé. Je me souviens d’il y a un demi
siècle, mon vagabondage à travers les continents pour ne pas éveiller les
soupçons. Cacher les corps, creuser des tombes, monter des mises en scène, faire
croire au suicide, au meurtre… Aujourd’hui, les rares fois où un corps a été
retrouvé et identifié, l’enquête est classée. On ne cherche plus à savoir les
causes de la mort d’un hors-la-loi. Et je dois dire que c’est une chose qui
m’arrange beaucoup.
Les cloches me tirent de mes pensées.
Tiens, si tard, déjà ? Bien sûr ! C’est l’été, la nuit tombe plus
tard. Pour moi, les saisons passent et repassent, parfois, je perds un peu la
notion du temps. Je me retourne et bondis de toit en toit. J’arrive rapidement
chez moi. La ville n’est pas bien grande, et je me déplace avec une telle
rapidité… Je passe à nouveau par la fenêtre, je laisse tomber mon manteau à
terre et me dirige vers la salle de bains. Chaque fois que je me sustente, j’ai
besoin de prendre une douche. Comme pour me purifier de mon
« crime ». Ce qui est paradoxal puisque je suis athée. En sortant de
la douche, j’examine mes crocs : ils se rétractent déjà… Jusqu’à la
semaine prochaine, jusqu’à ce que la faim se fasse sentir. Je me glisse sous
les couvertures et pars rejoindre Morphée.
Une sonnerie me réveille brusquement. Je
mets un cours instant à réaliser que c’est mon réveil. Sept heures, déjà. Je me
lève rapidement, j’ai une journée chargée. A cette époque, celle où je vis, les
médecines alternatives ont remplacé la médecine des années 2000. Je suis ce
qu’on pourrait appeler un médecin alternatif. Je ne soigne pas, j’établis des
diagnostics, je peux dire quand quelqu’un a telle ou telle maladie. Je dois ça
au fait que je sente le sang et les autres fluides corporels. Je ne bois que du
sang pur. Si il y a une anomalie, qu’elle soit sanguine, neurologique,
congénitale, je la sens. J’ai sauvé pas mal de vies ainsi, et je gagne
suffisamment d’argent pour me faire respecter dans la société. Á huit heures,
je sors de l’immeuble, je salue Rick, le portier de jour.
« Belle journée, n’est-ce
pas ? » me lance-t-il.
Je lève la tête pour voir le soleil
briller.
« Oui, effectivement. »
Je traverse la route et me fonds dans la
foule.
Chapitre 2
Je n’ai pas vu la matinée passer. Je meure
de faim, il est déjà treize heures. Je me lève et sors de mon bureau.
« Alex ? Vous avez
mangé ? »
De la tête, ma secrétaire me fait signe que
non.
« Mettez le répondeur, je vous
emmène. »
Nous sortons de l’immeuble. Alex ne pipe
pas un mot. C’est quelque chose que j’ai toujours apprécié chez elle. Il y a
dix ans, quand je suis revenue dans ma ville natale et que j’ai ouvert mon
cabinet, je l’ai engagée, à titre d’essai. Elle ne m’a jamais quittée, parce
qu’elle sait quand poser des questions et quand ne pas le faire. Depuis dix ans
que nous nous côtoyons, j’ai pu voir le temps agir sur elle, alors que moi, je
n’ai pas changé. Pas une ride, pas de fatigue, rien. Elle l’a remarqué, elle
n’est pas bête, mais jamais elle ne m’a questionnée. Je pense que quelque part,
je l’effraie. J’en ignore la raison. Peut-être m’avait-elle surprise dans une
de mes parties de chasse ? Non, je prends toujours mes précautions, toutes
ces années d’expérience ne me feraient jamais faire une telle erreur. Peut-être
est-ce seulement une impression qu’elle a, et elle se fie simplement à son
intuition.
Nos pizzas terminées, elle sort de l’argent
pour payer sa part. Je l’arrête immédiatement.
« Que faites vous ? Je vous ai
dit que je régalais. »
« Ex- excusez-moi Mlle Némésis. »
J’appelle la serveuse d’un geste de la
main. Tiens, ce n’est pas la même qui nous a servies, elle a probablement
terminé son service. Alors qu’elle s’approche, je sens un doux parfum me
chatouiller les narines. Plus elle s’approche, plus cette odeur m’enivre. Je me
rends compte alors que j’ai les yeux fermés. Une façon d’apprécier plus
pleinement cet effluve entêtant… J’ouvre alors mes yeux et la première chose
que je vois, c’est ce regard vert émeraude, qui me fixe d’un air interrogateur.
En plein jour, je dois avoir l’air un peu idiote avec mes yeux fermés. Que la
nuit me manque dans ce genre de moment… Elle me tend la note, ce qui me laisse
le temps de la contempler à loisir. C’est une très belle jeune femme, quel âge
peut-elle avoir ? Vingt ans ? Vingt-trois ans ? Ses cheveux
blonds encadrent un petit visage absolument magnifique. Je lui tends un billet.
« Gardez la monnaie. »
Elle me regarde dubitative. Que ses yeux
sont beaux !
« Il y a trop ! » me
dit-elle.
Oh, je le sais bien, je n’ai pas pris garde
que je lui avais laissé ce qu’elle gagnait probablement en une demi-journée. Je
lui souris.
« Je sais, gardez tout quand même, je
suis d’humeur généreuse aujourd’hui. »
Elle met vite le billet dans sa poche et
m’adresse un sourire. Il me fait fondre sur le coup, on dirait une enfant à qui
on vient d’offrir le jouet dont elle rêvait tant. Tandis qu’elle s’éloigne, je
mémorise son odeur. Alex me ramène à la réalité. Ai-je une fois de plus fermé
les yeux ? Voilà que je ne me maîtrise plus dans un lieu public. Que
m’arrive-t-il ?
Alex et moi retournons gentiment au bureau.
Je sais qu’elle fréquente cette pizzeria assez souvent. Comme je n’arrive pas à
m’ôter cette femme de la tête, et du nez, je lui demande, l’air de rien.
« Alex, vous connaissez cette jeune
serveuse ? »
« Laquelle ? »
« La petite blonde. »
Elle lève la tête vers moi et me sourit
d’un petit air que je n’aime pas du tout.
« Quoi ?! »
Elle baisse la tête en ricanant gentiment.
« Rien rien… Elle vous plaît, c’est
ça ? Elle n’a pourtant rien à voir avec vos précédentes conquêtes, hommes
ou femmes. »
Ah oui, évidemment, mes conquêtes... Pfui,
je reste malgré tout en partie humaine, et comme tout être humain, j’ai des
envies et des besoins. Malheureusement, je ne peux pas avoir de relation
normale. Aussi, je me contente de séduire l’un ou l’une de ces hors-la-loi, je
prends un peu de bon temps, et ensuite, quand la faim me prend, je me sers. Il
est vrai que c’est plus pratique : dans mon appartement, je ne risque pas
de me faire prendre…
« Vous vous faites des idées
Alex. » Vraiment ?
Elle me prend en pitié, ai-je une tête si
suppliante ? Je ne me reconnais plus. Mais qu’est-ce que je fais ?
Jamais je ne pourrai l’aborder, jamais je n’aurai d’avenir avec cette jeune
créature. Déjà l’avoir pour amie, c’est un fantasme fou et irréalisable, alors
comme amante, c’est demander la lune. Alex consent à me répondre.
« Elle s’appelle Émilie. Elle est
étudiante en lettres, elle bosse de temps en temps à la pizzeria, histoire
d’arrondir ses fins de mois. Satisfaite ? »
Ouh, je n’aime pas du tout le ton sur
lequel a été dit ce dernier mot. A-t-elle oublié que je suis son
employeuse ? Je m’apprête à la remettre à sa place, mais je vois la
culpabilité se peindre sur son visage et surtout, je sens la peur. Sa crainte
silencieuse de moi a repris le dessus. Je dois quand même avouer que cette
impression me plaît, si elle me craint, jamais elle ne viendra fouiller mon
passé. C’est exactement ce que je désire, personne ne doit s’approcher trop
près de moi, personne ne doit s’intéresser à moi, alors pourquoi l’image
d’Émilie revient-elle toujours dans ma tête ? J’ai besoin d’une bonne
douche froide moi !
L’après-midi se déroule comme à
l’accoutumée. C’est seulement quand je me retrouve dans mon appartement
qu’Émile revient à la charge. Je m’occupe, je regarde des feuilletons débiles à
la télé, je consulte ma boîte électronique, tout et n’importe quoi pour éviter
de penser à elle. Je désespère de voir la nuit arriver. Une promenade nocturne
me fera le plus grand bien. Ce n’est pas une nuit de chasse, mais j’enfile tout
de même mon manteau noir, cependant, je sors normalement, c'est-à-dire, par la
porte principale. Je regarde ma montre, vingt-trois heures trente. Idéal, en pleine
semaine, il y aura moins de gens dehors. J’arpente les rues, laissant mes sens
s’aiguiser, l’odeur d’un bouquet de fleurs jeté dans une poubelle, le
frottement des ailes d’un moineau, le chant des arbres qui se balancent
doucement au gré du vent, les restes de l’orage du début de soirée. Dans ma
jeunesse, combien de fois j’ai haï ce que j’étais, désirant mourir, ne me
sentant à ma place ni dans la nuit, ni dans le jour, et aujourd’hui, pour rien
au monde je n’abandonnerais tout cela, c’est un cadeau qu’on m’a fait, même
s’il m’a fallu du temps pour l’accepter, je suis à présent complète. J’erre
encore un moment, en suivant les odeurs, et je m’arrête net. Je me concentre un
peu, affûte mon ouïe. C’est bien ce que je croyais, une bagarre. J’entends des cris,
je sens de la peur, de la rage, une fureur meurtrière. En moins de deux minutes
j’arrive dans la ruelle. Elle n’est pas éclairée, je plisse les yeux, je vois
un homme, debout, une batte de base-ball à la main. Une forme recroquevillée se
trouve à ses pieds. Du sang… Je sens l’odeur caractéristique du sang qui a
coulé. Je vois le type lever son bras, prêt à abattre la batte sur cette petite
chose grelottante et sanglotante. Á la voix, c’est d’une femme qu’il s’agit. Le
type n’a pas le temps d’abaisser son bras, je le soulève légèrement de terre.
Je le retourne, pour que je puisse voir ses yeux. Rouges, brillants :
cocaïne. Même si j’avais eu faim, je me serais contentée de l’achever. J’envoie
valser sa batte.
« Attaque-toi à quelqu’un de ta
taille… »
Il n’a pas le temps de me répondre. Un
geste rapide comme le vent. Juste un craquement sourd. Sa nuque. Il n’a pas
souffert… Et je le regrette dès que je vois la forme à terre. Terrorisée comme
elle l’est, elle n’a rien vu, et d’ailleurs, elle n’aurait rien pu voir, en une
demi seconde, tout était terminé. L’odeur du sang se fait forte. Je crains une
hémorragie. Je m’accroupis, avance mon bras et retourne la jeune femme. Et là,
mon cœur cesse de battre. Émilie ! Je trouvais déjà que ce salaud n’avait
pas assez souffert au vu de l’état de la jeune demoiselle, mais là, je
regrettais carrément de ne pas l’avoir torturé. Je m’approchais encore plus
d’Émilie, je reniflais. Pas de drogue, bien, très bien. Mais le sang dominait
tout. Elle en était recouverte. Si j’attendais une ambulance, elle risquait d’y
rester. Je ne réfléchis pas, je la prends délicatement dans mes bras, ce qui
lui arrache un petit gémissement de douleur. De ma voix la plus basse et la
plus douce, je lui murmure :
« Accroche-toi Émilie, je t’emmène à
l’hôpital. »
Elle leva la tête, tenta d’acquiescer, mais
perdit connaissance. En moins de deux minutes, je suis dans le hall des
urgences. Le personnel me regarde une fraction de seconde, étonné, puis il se
précipite. Nous devons faire un sacré tableau, moi, grande femme, vêtue de
noir, du sang dégoulinant partout, et dans les bras cette créature inerte, dont
le sang s’écoule, à terre, sur moi. Je la vois se faire emmener, et avant qu’on
ne me pose des questions, je me retourne et pars.
Chapitre 3
La journée s’annonce mal… J’ai entendu Marc
rentrer ce matin. Il devait être cinq heures. Il a passé la nuit à dealer. Et
d’après le chapelet de jurons qu’il a lâchés, les affaires n’ont pas dû être
bonnes. Il vient se coucher, m’appelle. Je fais semblant de dormir. Il
n’insiste pas, mais je sais que j’y aurai droit plus tard.
J’avais vu juste. Le voilà qui s’agite
au-dessus de moi, il transpire, il souffle comme un bœuf. Je m’évade, je me
concentre pour me persuader que je ne suis pas là. Quand il jouit enfin, il
m’embrasse, son haleine, chargée d’alcool, me donne la nausée. Il s’écrase
presque littéralement sur moi, se pousse légèrement de côté et s’endort.
Ce n’est pas que je l’aime, loin de là.
Mais il me trouve jolie et moi, j’ai besoin de son argent, qu’il soit sale, je
m’en fous, ça reste de l’argent. Les études sont hors de prix. Malgré mon job à
la pizzeria, ma bourse ne suffit pas. Ici, je ne paie pas de logement, et je
suis nourrie.
Le réveil le tire de ses rêves. Il est
agité et je sens que je vais ramasser. Marc est nerveux ces temps, les affaires
marchent moins. J’essaie de ne pas trop le contrarier mais il trouve un
prétexte dans tout. Au début, il se contentait de gueuler, mais depuis qu’il
s’est mis à la cocaïne, il est devenu violent. Alcool et drogue, ça n’a jamais
été un bon mariage. J’ai décidé de m’en aller. Je retournerai sur le campus,
tant pis pour les avantages d’être indépendante. Je le lui annonce avant de
partir. Et merde, il est encore chargé. Il hurle.
« Ça ne se passera pas comme ça
Émilie, tout ce que tu as, c’est grâce à moi. Fais gaffe à ta gueule, j’te
l’dis ! »
« Je viendrais récupérer mes effets
personnels ce soir, après le serv… ».
Je n’ai pas vraiment le temps de terminer
ma phrase, qu’une gifle cinglante vient s’écraser contre ma joue. Je suis trop
surprise pour dire quoi que ce soit. Je m’en vais vite.
Le temps est splendide, idéal pour flâner
et se balader en fait. Dommage qu’aujourd’hui je suis de l’après-midi. J’arrive
toujours un quart d’heure avant, histoire d’avoir le temps de me changer. Anne
n’est déjà plus là, je parie que cette dinde a encore oublié d’encaisser toutes
ses tables. Gagné ! Une femme me fait signe. C’est étrange, la personne
qui l’accompagne a l’air terrorisé, pourtant, cette femme n’a rien d’effrayant ;
impressionnant peut-être, ses yeux notamment, et sa voix basse. Elle paie la
note et me laisse l’équivalent en pourboire. J’ai bien essayé de lui faire
remarquer que c’était trop, elle s’est contentée de me sourire et de me dire
qu’elle était d’humeur généreuse aujourd’hui. J’en ignore la raison, mais j’ai
été troublée par cette femme, par son regard sur moi surtout. Je pouvais y lire
un mélange de désir et d’interrogation. Je sais que ça venait d’une femme, mais
ça flatte toujours son ego, quand quelqu’un fait attention à vous, et depuis
Marc, je n’y suis plus du tout habituée…
La journée se passe, tranquillement. Onze
heures arrivent enfin. Cette journée m’a parue longue, mais je suis anxieuse,
je dois retourner chez Marc, récupérer le peu d’affaires que je possède, et
surtout mes livres de cours. Le temps est doux, et je ne suis franchement pas
pressée de rentrer. Je décide d’y aller à pied. Pourvu que Marc soit dehors, à
ses affaires. Je n’ai aucune envie de tomber sur lui, vu son humeur quand je
l’ai quitté, cela ne fait aucun doute que je risquerais beaucoup si nous
devions nous rencontrer… ! J’arrive bientôt à la maison ; en
contournant un bloc, les yeux ailleurs, je bouscule quelqu’un, je m’excuse sans
le regarder et m’apprête à continuer mon chemin quand la voix de l’inconnu me
fige sur place.
« Mais je t’en prie Émilie… »
Je lève les yeux, tremblante, et j’aperçois
d’abord le jaune de son horrible
dentition. Marc ! Je n’ai le temps de rien dire, sa main s’abat sur ma
joue avec une force inouïe. Il s’avance vers moi, un rictus mauvais au coin des
lèves. Le salaud, il me coince dans une petite ruelle sombre. Je n’essaie même
pas de crier car d’ici, personne ne m’entendra. C’est la fin je pense, chargé
comme il l’est, il est capable de me tuer. La batte de base-ball qu’il sort de
son dos confirme ma pensée. Mais il ne m’aura pas ainsi, je vais me défendre
aussi longtemps que je le pourrai. C’est un homme, et si il y a une chose que
j’ai apprise depuis gamine, c’est de savoir donner un coup de genou bien placé…
Il hurle et tombe à terre mais je n’ai pas dû frapper assez fort car au moment
où je tourne les talons pour m’enfuir, il me retient par la cheville. Je tombe
la tête la première sur le rebord du trottoir. Il me tire vers lui, je ne le distingue
pas bien, le choc m’a un peu sonnée, et soudain, une douleur fulgurante me plie
en deux, je me traîne en arrière, pour essayer d’éviter ses coups et me mets en
position fœtale J’ouvre la bouche à la recherche d’un peu d’air, son coup de
pied m’ayant coupé le souffle.
« M-M Marc, s’il te plaît ! »
Mais il ne m’entend pas, il continue de
m’asséner coup sur coup. Je ne suis plus qu’un tas de chair meurtrie, et je ne
souhaite qu’une chose, qu’il m’achève. On dirait qu’il m’a enfin entendue, il
lève sa batte bien haut, et je vois son bras se rabattre. Je ferme les yeux,
prête à encaisser le dernier coup, le temps s’écoule lentement, une éternité il
me semble. Puis j’entends le bruit de quelque chose qui vient de tomber,
d’après le son, je dirais que c’est de sa batte qu’il s’agit. J’ouvre
péniblement les yeux, et je le vois, à quelques centimètres au dessus du sol.
Ignorant la douleur qui traverse ma nuque, je lève un peu la tête, et dans le
peu de lumière, j’aperçois deux yeux bleus que rend encore plus étrange une
longue chevelure noire comme l’ébène. J’entends juste un craquement et je vois
Marc s’étaler de tout son long, mort. Je sens une main puissante me retourner
sur le dos, une demi minute puis je me sens soulevée dans les airs. Je n’ai pas
la force d’hurler mais le mouvement m’arrache tout de même un petit cri.
J’entends une voix basse et envoûtante me dire :
« Accroche-toi Émilie, je t’emmène à
l’hôpital ! »
Chapitre 4
Avant d’ouvrir les yeux, je sais déjà où je
me trouve. Je sens l’odeur spécifique des hôpitaux, cette odeur de propre, de
désinfectant. Je force mes paupières à se lever, et une douleur traverse mon
crâne. Jamais je n’aurais cru que l’effort pouvait à ce point faire souffrir.
Je me force un peu et j’embrasse ma chambre du regard. J’ai du mal à voir, mais
il semblerait que je sois la seule occupante. Je lève la main à mon visage et
je commence à tâter prudemment. J’ai des bosses, tout est tuméfié. Je
comprends, en passant un doigt sur mon œil gauche, pourquoi j’ai de la peine à
voir : mon œil est presque aussi gros qu’un abricot… Je continue mon
exploration. J’ai une perfusion dans la main gauche, j’ai des bleus sur les
deux bras. J’essaie de me tourner un peu, mais la douleur stoppe aussitôt mon
geste. Je soulève un peu le duvet, et je remarque que mon torse est bandé. Je
me découvre un peu plus, j’ai la
cheville droite également bandée, et mes jambes sont couvertes d’ecchymoses. On
peut dire que Marc y a mis toute sa passion, jamais encore il ne m’avait à ce
point frappée. Visiblement, il n’aime pas se faire jeter…
J’essaie de me concentrer pour savoir
comment je suis arrivée dans cet hôpital. Si mes souvenirs sont bons, j’étais à
deux secondes de me faire achever, et je suis à présent bandée de partout, au
chaud et en sécurité dans cette chambre. Allez Emilie, un effort. Les
médicaments et la douleur ne m’aident pas. Allez, Emilie, allez. Tu as terminé
ton service, tu es partie à pied, tu es tombée sur Marc, et ensuite,
quoi ? Ok, il a voulu me tuer, mais il n’a pas pu. Tiens, et lui, où
est-il ? Réfléchis Emilie, réfléchis ; il n’a pas pu asséner son coup
fatal, mais pourquoi ? Parce que… Parce que… Ahhh, un effort,
souviens-toi, souviens-toi. Et soudain, une lueur dans mes yeux s’alluma. Oui, quelqu’un est venu
à ton secours, un homme, une femme ? Marc est mort, il a été tué, si
simplement, de ça, j’en suis sûre, juste après, je suis tombée dans les
pommes. Et j’ai
entendu une voix, la voix de mon
sauveur, basse, envoûtante. Je
me suis sentie soulevée et ensuite, plus rien, le black out. J’en étais encore à mes pensées quand la
porte de ma chambre
s’ouvrit, laissant passer un médecin et une infirmière. J’essayai de tourner la tête, mais c’était encore trop
douloureux.
« Ne tentez pas le diable,
mademoiselle, la douleur va persister encore quelques jours, ensuite, vous
pourrez agiter la tête comme bon vous semblera. »
Le médecin devait avoir la quarantaine, il
était grand, avec des cheveux d’un roux flamboyant ; il inspirait
confiance ; quant à l’infirmière, qui était en train de prendre sa tension
artérielle, elle devait être aussi
petite qu’elle, et elle avait également cet air qui donne envie d’avoir
confiance.
Le docteur reprit :
« Mademoiselle, nous ne savons
malheureusement pas qui vous êtes, la personne qui vous a amenée hier soir est
repartie aussitôt que nous vous avons pris en charge, alors je suis là pour le
côté administratif. Il me faut vos nom, prénom et adresse, s’il vous plaît,
ainsi que le nom de votre assurance-maladie. »
Emilie donna au médecin tous les
renseignements qu’il voulait tandis que l’infirmière examinait ses blessures.
Elle avait beau être courageuse, plusieurs fois elle grimaça lorsque cette
dernière toucha quelques unes de ses ecchymoses.
« Bien, Mademoiselle Rivière, je crois
que c’est tout pour aujourd’hui, je reviendrai demain, pour voir l’évolution de
tout ça ; entre deux, vous aurez la visite d’infirmières. Bonne journée à
vous et à demain.
« Docteur, s’il vous
plaît ? »
Alors qu’il partait, il s’arrêta et se
retourna.
« A propos de la personne qui m’a
amenée, vous pouvez m’en dire un peu plus ? »
Le médecin rit doucement, et répondit.
« Pas grand-chose, on a simplement vu
une femme, tout de noir vêtue, couverte de sang, et vous, évanouie, dans ses
bras. Je ne sais pas d’où vous veniez, mais je pense qu’elle vous a portée un
sacré bout de chemin. »
« Merci docteur, bonne journée à vous
aussi. »
Une femme ? Une femme l’avait portée
jusqu’ici. Malgré quelques passages qu’elle ne pouvait cernés pour l’instant,
elle avait conscience de l’endroit où Marc l’avait agressée. De la ruelle à
l’hôpital, il devait bien y avoir cinq kilomètres. Comment une femme a pu la
transporter sur cette distance et suffisamment vite pour pas qu’elle ne meure
pas dans ses bras ? A moins d’être Superman, elle ne voyait pas comment.
Plus Emilie se concentrait pour se rappeler
de quelque chose, plus sa tête bourdonnait et lui faisait mal, finalement, à
bout de force, elle s’endormit d’un sommeil agité.
Au milieu de la nuit, elle se réveilla en
sursaut, hurlant. Ce maudit Marc, elle en rêverait encore quelques temps. Elle
tenta, en vain, de se rendormir, puis, à force de tourner et retourner les
évènements de la veille dans sa tête, elle parvint à se souvenir de quelque
chose : deux glaciers. Deux yeux, d’un bleu profond et transparent, comme
l’eau pure des glaciers de montagnes. Et ces deux yeux la suivirent finalement
toute la nuit. Cette femme avait les yeux les plus incroyables qu’elle ait
jamais vus, et à son réveil, elle se souvint d’où elle connaissait ce
regard : la pizzeria. C’était la femme qui lui avait presque donné
l’équivalent de son salaire de la journée en guise de pourboire !
Chapitre 5
Une semaine s’était écoulée depuis
l’incident, et Némésis chargea Alex de se rendre à la pizzeria tous les deux
jours, afin d’avoir des nouvelles d’Emilie. Et elle rentrait toujours
bredouille. En dernier recours, elle décida de se rendre à l’hôpital, quitte à
devoir répondre à certaines questions qu’elle préférait éviter. Elle cherchait
justement à se faire discrète, elle devait se fondre dans la foule, car tout
criminel et hors-la-loi qu’était son gibier, ça n’en restait pas moins des
êtres humains, et leur ôter la vie restait un crime puni par les lois de ce
monde.
Cette Emilie l’obsédait tant que même lors
de sa nuit de chasse, elle n’en éprouva pas le plaisir habituel ; son
esprit tout entier se trouvait auprès de la jeune blonde au regard si
particulier. Finalement, au bout de deux semaines, elle décida d’aller en
personne au restaurant italien, peut-être pourrait-elle soutirer des
informations en échange de quelques billets. Tsskkk, les pots-de-vin, s’il y
avait bien une chose qui n’avait jamais changé au cours des siècles, c’était
l’avidité et la cupidité du genre humain. Tout vous était servi sur un plateau
d’argent, on s’inclinait devant vous, pour autant que vous soyez riche, et
surtout, que vous distribuiez sans compter….
Encore toute à ses pensées, elle poussa la
porte du restaurant et se trouva nez à nez avec Emilie. Cette dernière reconnut
immédiatement Némésis, elle lâcha son plateau, et le temps se suspendit
l’espace d’une minute. Elles se scrutèrent, comme si chacune d’entre elles
tentait de pénétrer l’esprit de l’autre, en vain. L’une comme l’autre étaient à
la fois intriguées et curieuses. Le temps reprit son cours, le bruit, les
odeurs, les cris. Emilie se baissa pour ramasser son plateau en même temps que
Némésis amorçait le mouvement pour l’aider. Leurs mains s’effleurèrent, presque
une caresse.
« Je vous connais… » Un soupir,
un murmure. Elle continua dans sa lancée, de peur de ne plus trouver ses mots
tant cette grande femme la fascinait et l’intimidait.
« C’est vous… C’est grâce à vous
que… » Elle n’eut jamais la chance de terminer sa phrase, l’index de
Némésis venait de se poser délicatement sur ses lèvres. Etonnée, elle leva les
yeux pour rencontrer les deux joyaux bleus de sa sauveuse. Etrange, je n’ai
pas souvenir qu’ils aient étés si foncés. Némésis se contenta d’acquiescer
avec un petit sourire énigmatique. Elle se pencha, si près, qu’Emilie pouvait
sentir son odeur, un mélange de douceur féminine, et de musc fauve. Lorsque les
lèvres de Némésis furent à la hauteur de l’oreille droite d’Emilie, elle lui
dit, dans un souffle :
« Je t’attendrai à la fin de ton
service… ».
Comme elle l’avait dit, Némésis attendait
Emilie lorsque celle-ci sortit enfin aux alentours de minuit.
« Je ne pensais pas que tu serais déjà
sortie, je t’ai pourtant trouvée salement amochée. »
Emilie nota le tutoiement, et malgré le
respect et cette impression de peur qu’elle lui inspirait, elle décida d’en
faire autant.
« C’est grâce à toi… Comment ?
C’est impossible… cette rapidité… quel est ton secret ? »
« J’ai de longues jambes… »
Cette remarque fit rire Emilie, mais elle
se sentit frustrée car ce n’était absolument pas une réponse. Inutile
d’insister, je n’en tirerai rien.
« J’ai décidé de te raccompagner, tu
as un endroit où aller ? »
« Euh, je vis sur le campus, j’y ai
une chambre. »
« Je te propose chez moi, on est
vendredi, il n’y a pas cours demain, qu’en dis-tu, en plus, tu seras en
sécurité. »
Emilie prit deux secondes, le temps de
réfléchir, et accepta la proposition de Némésis, peut-être en apprendrait-elle
plus sur cette mystérieuse femme aux yeux de glace. Pourtant, la fin de la
phrase la surprit. Pourquoi ne serait-elle pas en sécurité, maintenant que Marc
était mort, car il l’était bel et bien. Elle avait lu dans les journaux que son
corps avait été retrouvé dans une ruelle, la nuque brisée. La batte de
base-ball avait également été retrouvée et l’affaire avait été classée comme
« guerre des gangs ». Mais elle, elle, elle savait que c’était
Némésis qui avait tué Marc. Elle l’avait vue, de cela, elle en était certaine,
mais elle ne se l’expliquait pas, car Marc était un homme costaud, et chargé
comme il l’était cette nuit-là, sa force était décuplée, et elle n’avait pas
rêvée, son corps se trouvait à dix centimètres du sol, elle l’avait vu de ses
propres yeux, avant qu’il ne s’écroule et qu’elle n’entende cette voix basse,
rauque, envoûtante, celle-là même qui venait de l’inviter en sa demeure. Elle
le sentait, cette femme n’était pas comme les autres humains, elle devait avoir
un don, une sorte de sixième sens, un je ne sais quoi qui faisait d’elle
quelqu’un de respecté et de craint rien qu’en entendant son nom.
Némésis… Elle se le répéta plusieurs fois
dans sa tête, quel nom étrange, peut-être une connotation grecque ? Elle
se renseignerait, la bibliothèque de l’université regorgeait de livres anciens
et poussiéreux…
Elle en était encore à ses pensées quand la
voix rauque de Némésis la fit presque sursauter.
« Nous sommes arrivées. »
Emilie n’en crut pas ses yeux, elle se
trouvait à présent devant l’entrée de la seule tour de la ville, construite sur
les hauteurs, sur les ruines du château de l’ancienne ville. Cette tour
comprenait dix étages et de là-haut, il était certain que la vue devait être
splendide. Elles entrèrent toutes deux dans l’ascenseur, qui menait directement
dans l’appartement. En fait, en guise d’appartement, il s’agissait plus d’un
immense loft que d’un deux pièces, et la vue sur toute la ville, depuis les
fenêtres, en était à couper le souffle. Némésis précéda Emilie dans le living
et lui offrit un verre de Gin Tonic. Il lui était impossible de dire quoi, mais
quelque chose qui venait du fond de ses entrailles la poussait vers cette jeune
blonde, quelque chose d’ancré profondément dans son histoire, pourtant, au
cours de ses deux cent trois ans d’existence, jamais encore elle n’avait
ressenti une telle connexion avec un humain. Et elle voulait tirer cela au
clair.
Emilie accepta le verre avec un sourire, et
la complimenta sur son appartement. Cette femme l’enivrait bien plus que son
verre de Gin, son odeur, sa prestance, son charisme, sa voix, ses yeux. Elle
n’avait qu’une envie, c’était de l’embrasser, et de lui faire l’amour toute la
nuit, mais oserait-elle faire le premier pas ? Le troisième Gin Tonic
l’aida en ce sens, elle s’approcha de Némésis, noua ses bras autour de sa
taille, leva les yeux, se mit sur la pointe des pieds et l’embrassa.
Chapitre 6
Elle en ignorait la raison mais quelque
chose la poussait à la protéger, c’est donc sans réfléchir qu’elle lui proposa
de la raccompagner, puis de finalement l’inviter chez elle. Bien peu d’êtres étaient
venus chez elle, et personne n’en était ressorti vivant. Il se trouvait qu’au
sous-sol, il y avait la chaudière, qui fonctionnait encore au charbon, vestige
du siècle passé, et c’est facilement qu’elle pouvait faire disparaître les
corps.
Mais pas ce soir, ce soir, c’était
différent, elle ne chassait pas pour se repaître de sang, du moins, pas encore,
il était trop tôt, elle sortirait plus tard, vers les trois heures du matin. Ce
soir, elle voulait Emilie, son corps, son odeur de lavande, la douceur de sa
peau, elle la désirait comme jamais elle n’avait désiré quelqu’un auparavant et
elle ne se l’expliquait pas. Arrivées devant son immeuble, elle laissa passer
Emilie en premier, l’ascenseur accédait directement à l’appartement, et elle put
voir la surprise et l’émerveillement se peindre sur le visage de la jeune
blonde. Elle lui offrit un Gin Tonic alors que celle-ci admirait la vue sur la
ville depuis la fenêtre du living. Bon sang, elle la désirait, elle l’aurait
prise là, au milieu du salon, sur le canapé, mais elle ne voulait pas
l’effrayer, même si ses sens lui indiquaient qu’Emilie voulait la même chose
quelle. Les phéromones…. Et vive mon odorat extra sensoriel ! Au bout du troisième Gin Tonic, elle vit
Emilie s’approcher d’elle, l’enlacer, et l’embrasser, tout en resserrant son
étreinte. Elle se laissa faire, en redemanda, puis, avant que l’une ou l’autre
s’en soit rendues compte, elles se retrouvèrent nues, à s’embrasser et se
caresser frénétiquement. Elles passèrent une bonne partie de la nuit à faire
l’amour, passionnément, sauvagement, et pour Némésis, ce fut la première fois
qu’elle se réveilla avec quelqu’un de vivant à ses côtés. Sensation étrange
mais agréable….
Elle avait faim, elle avait senti ses
canines sortir mais elle ne pouvait rien faire avec Emilie blottie contre elle.
Malgré sa rapidité, elle craignait qu’Emilie ne se réveille, ne la trouve pas
et commence à se poser des questions. Seulement, il lui était impossible de ne
pas se sustenter, sans cela, elle deviendrait faible. Son corps réclamait du
sang, et elle ne pouvait l’ignorer. Si elle ne faisait rien, elle allait
s’affaiblir et redevenir une simple mortelle. Seulement, depuis toutes ces
décennies, son corps s’assécherait, et ce serait la mort assurée, en quelques
heures seulement. En prenant de profondes inspirations, elle pouvait sentir
l’odeur du précieux liquide, partout dans la ville. Non, risqué ou non, elle
DEVAIT sortir se nourrir.
Elle prit délicatement Emilie dans ses
bras, la fit pivoter de manière à ce
qu’elle ne repose plus sur son corps. Une fois dégagée, elle remonta les
couvertures sur sa blonde amie, et se leva. Elle s’habilla rapidement, enfila
son manteau de cuir, se dressa dans l’encadrement de la fenêtre et bondit
dehors. Ce qu’elle ne vit pas, c’est les deux yeux d’Emilie, la fixant dans le
noir, et l’air complètement abasourdi se peindre sur son visage lorsqu’elle vit
Némésis s’élancer depuis le dixième étage.
Elle se leva d’un bond, courut jusqu’à la
fenêtre, se pencha à en avoir presque le vertige, mais elle ne vit rien d’autre
que les ténèbres. Elle se redressa, peut-être avait-elle rêvé. Elle décida de
faire le tour du propriétaire, et elle trouverait ainsi Némésis dans une autre
pièce. Il était trois heures du matin, peut-être souffrait-elle d’insomnies et
elle devait simplement être dans le
living. Au moment où elle y entra, elle remarqua une cheminée. Elle n’en avait
pas souvenir, mais il faut avouer que lorsqu’elle était entrée avec cette
superbe créature, l’environnement alentour la préoccupait peu. Elle s’avança
pour examiner de plus près cette cheminée, et ce qu’elle vit de chaque côté de
l’âtre la surprit et l’effraya. La cheminée était tout à fait normale, mais
dans chaque coin supérieur se trouvaient des chaînes et des menottes. Elle
préféra retourner se coucher, et éviter de penser à tous ces événements quelque
peu troublants et limite effrayants. Elle tenta de se rendormir, mais son
esprit ne cessait de galoper. Quelle femme était Némésis, assurément, elle ne
ressemblait pas au commun des mortels, pourtant, elle était humaine, elle avait
pu s’en assurer quelques heures plus tôt. A force de tourner et retourner
toutes ces réflexions dans sa tête, elle finit par s’endormir, quelques
instants seulement avant que Némésis ne réapparut dans l’encadrement de la fenêtre.
Le bruit de l’eau qui coulait réveilla
Emilie, elle s’assit dans le lit, et toucha de sa main l’endroit où Némésis
aurait dû avoir dormi. Les draps étaient froids. Elle était rentrée et prenait
une douche avant même de revenir dormir. Mais pourquoi ? Qu’avait-elle
fait, et surtout, quel était son secret pour pouvoir sauter du dixième étage
d’un immeuble.
Lorsque Némésis sortit de la douche, elle
trouva Emilie plongée encore dans ses réflexions. Mais cette dernière décida de
ne rien révéler, elle mènerait sa propre enquête, en évitant de poser des
questions à la femme sculpturale qui se tenait devant elle. Némésis se coucha
derrière sa conquête, passa un bras sous sa poitrine, et se rendormi. Emilie
n’osait bouger, et finalement, elle sombra dans le sommeil.
« Bonjour Emilie, tu as bien
dormi ? »
« Oui, comme un bébé ; je
resterais bien, mais j’ai un mémoire à rendre, et je dois aller à la
bibliothèque, j’en aurai probablement pour toute la journée. Je peux prendre
une douche avant de m’en aller ? »
Peut-être trouverait-elle d’autres éléments
dans sa salle de bains, mais elle eut beau chercher, la pièce était d’une
blancheur immaculée, rien, une salle de bains ordinaire. Elle en sortit au bout
d’un quart d’heure et après avoir convenu avec Némésis de se revoir la semaine
d’après, elle s’en alla pour la bibliothèque du campus. Elle avait menti, elle
n’avait pas de mémoire à rendre, mais elle voulait faire des recherches. Déjà,
ce prénom, Némésis, il n’était pas commun, et il sonnait plutôt comme une créature
sortie tout droit de la mythologie.
Chapitre 7
Némésis lança un dernier regard derrière
elle, sur l’adorable créature qui dormait dans son lit, prit une profonde
inspiration afin de localiser l’endroit, puis elle s’élança, rapide comme le
vent. Ce soir, c’était une femme, une voleuse. Cela faisait déjà quelques jours
que Némésis la traquait, la suivant, la rencontrant « par hasard ».
Elle aimait ses moments de reconnaissance, parfois même de séduction, car lors
de l’abattage, elle n’avait pas le temps pour tout cela, au moment où ses
canines perçaient la chair, au moment où le sang du gibier touchait sa langue,
plus rien n’existait, tout disparaissait, elle était seule au monde avec dans
ses bras et sur sa langue tout ce qui faisait d’elle un être si exceptionnel.
Cette nuit, cette femme, cette voleuse,
mmmhhh, elle sentait en elle une confiance en soi accrue, la pauvre, si elle
savait que dans quelques minutes seulement, elle passerait de vie à trépas.
Mais elle, elle avait été séduite, et lorsque Némésis l’enlaça, au fond d’une
ruelle sombre, la jeune voleuse ne se débattit pas, au contraire, elle renfonça
son étreinte et se laissa aller dans les bras de son tueur. Lorsque le gibier
coopère, la morsure n’est pas aussi douloureuse, elle ressemble à une morsure pendant
l’amour, charnel, sensuel, doux presque, et surtout, le sang vient plus
facilement, s’il n’y a aucune résistance, il ne s’épaissit pas lors d’une
ultime tentative de se dérober à l’agresseur. Elle laissa là le corps de la
jeune rousse, et décida de rentrer, car cette nuit, quelqu’un l’attendait chez
elle. En réfléchissant, ça devait bien faire depuis passé cent ans que personne
ne l’avait attendue dans son lit, mais Emilie était spéciale, il y avait entre
elles deux une connexion, qu’elle ne s’expliquait pas mais qui était réelle,
elle aurait presque pu la palper tant elle était puissante. Elle arriva dans
l’encadrement de sa fenêtre, et trouva sa belle endormie, les draps rejetés de
côté, tant la nuit était chaude. Comme à son habitude, elle laissa son manteau
et se dirigea vers la salle de bains, et prit une douche purifiante et
revigorante. Elle se glissa ensuite près de sa jeune conquête, et passant un
bras sous sa poitrine, elle s’endormit, le nez dans ses cheveux, respirant
ainsi cette odeur qui l’enivrait.
A son réveil, au matin, Emilie lui dit
avoir du travail pour son mémoire ; quel dommage, elles ne passeraient pas
la journée ensemble, mais elles décidèrent de se revoir le vendredi suivant.
Némésis avait hâte d’y être, mais elle avait une semaine plus que chargée à son
travail, alors quand bien même, elle n’aurait pas eu du temps pour elle. Une
semaine d’attente… Mmmhhh, l’attente était quelque chose qu’elle savourait,
plus l’échéance approchait, plus elle salivait, mais là, c’était différent, ça
n’avait rien d’une partie de chasse, jamais elle ne planterait ses crocs dans
Emilie, et pourtant, elle savait déjà que leur histoire ne durerait pas. Elle
devait protéger son secret, et Emilie verrait bien que le temps n’avait sur elle
aucune emprise… Tant pis, ce serait l’histoire de quelques années, peut-être
cinq, peut-être moins, qui sait, on verra si elle pourrait se cacher de son
amour pour aller chasser. Elle espérait de tout son cœur que jamais Emilie
n’apprenne qu’elle était un Day Walker, car alors, elle devrait l’éliminer.
Personne ne devait savoir, elle ne tenait pas à terminer dans une cage, privée
de sang humain et sujette à un tas d’expériences. Jusqu’à maintenant, elle
s’était bien débrouillée, évidemment, les premières années avaient été
difficiles, mais c’était l’époque qui avait voulu ça, elle avait parcouru le
monde entier afin d’échapper aux chasseurs de créatures mythiques. Les années
2000 n’avaient pas été les meilleures de sa vie, elle-même était passablement
perdue et sans Memnoch, son mentor, elle l’aurait été encore plus.
Memnoch n’était pas un Day Walker, quelque
part, c’était son père vampirique, car c’était lui qui avait mordu sa mère et
fait d’elle une des siens alors qu’elle était enceinte d’elle. Sans lui, elle
aurait probablement été tuée comme sa mère l’a été lorsqu’elle avait cinq ans.
Memnoch prit soin d’elle des années
durant, puis une nuit, la nuit de ses vingt-cinq ans, il lui amena un jeune
homme terrorisé. Il lui dit de boire, elle ne comprenait pas, puis il lui mit
le jeune éphèbe dans les bras, et approcha son nez de son cou. Et là, dans une
douleur fulgurante, ses canines poussèrent d’un coup. Son odorat venait de
passer à un stade supérieur que celui des simples humains ; elle avait
senti le sang frais et c’est cela qui avait fait sortir ses canines, elle lui
lécha le cou et planta ses nouvelles dents dans cette chair si douce, si bonne.
La première nuit, elle a été un peu maladroite, elle a laissé du sang dans le corps et Memnoch a dû
l’achever. C’est lui qui lui a enseigné les bases du vampirisme. La première
règle étant de ne jamais boire quand la victime est morte, cela peut être
mortel. Du moins, pour tout vampire ordinaire. Cette nuit-là, elle apprit
qu’elle n’était pas seulement un vampire, mais un Day Walker, même parmi les
vampires, c’était une légende, pourtant, me voilà, mi-vampire, mi-humaine. J’ai
vingt-cinq ans depuis maintenant deux cents trois ans…
Chapitre 8
Dans la bibliothèque de l’université,
Emilie épluchait tous les ouvrages parlant de mythes ; de ces dernières
années, ainsi que ceux des années 2000. Si Némésis était immortelle comme elle
le soupçonnait, elle devait probablement avoir plus de deux cents ans. Voilà
une semaine qu’elle bûchait sur ces recherches, en marge de son travail à la
pizzeria et de ses études. La bibliothèque était devenue sa deuxième demeure.
Après plus de cinq jours de recherches acharnées, elle était prête à jeter
l’éponge quand elle tomba sur un ouvrage de l’année 1999. Le titre l’interpella
La légende du Day Walker.
Day walker ? Le marcheur de
jour ? Elle ouvrit le gros livre
poussiéreux et commença sa lecture.
Il devait être passé vingt-deux heures
lorsqu’Emilie referma l’ouvrage, et elle n’en croyait pas ses yeux. Pour elle,
c’était presque inimaginable, Némésis était un Day Walker, en fait, pas
seulement un, mais LE Day Walker, errant entre le jour et la nuit, n’ayant sa
place ni dans l’un ni dans l’autre, condamnée à vivre éternellement. Elle
sortit de la bibliothèque pour rentrer dans sa chambre, et elle ne cessa de
tourner et retourner dans sa tête ce que le vieux grimoire lui avait révélé.
En
l’an 1970, Memnoch le dernier de tous les vampires mordit une jeune femme brune et fit d’elle sa
compagne d’errance. A eux deux, ils auraient pu sauver la race. Mais un imprévu
vint chambouler les plans de Memnoch. Sarah, sa compagne, était enceinte lors
qu’elle devint une créature de la nuit. Les vampires, personnages morts, ne
sont pas supposés enfanter de manière naturelle, hors, Sarah arriva à terme et
mit au monde une magnifique petite fille, Némésis. Ni humaine, ni vampire, un
être hybride tirant le meilleurs de chaque race, la force du vampire, ses sens
aiguisés, la capacité d’affronter les miroirs, les croix et le soleil.
Cependant, Némésis devait être initiée, et boire son premier sang le jour de
son vingt-cinquième anniversaire, et de ce jour, elle deviendrait immortelle,
se sustentant une fois par semaine, afin de garder en elle toutes ses capacités
de vampire.
Mais
Némésis tient aussi tous les points faibles des deux races, un pieu dans le
cœur, de l’eau bénite, de l’absinthe, et si les balles d’un revolver ne lui font
rien, en revanche, les armes blanches lui sont mortelles. Et dès qu’elle boirait
son premier sang, il lu faudrait sans cesse se nourrir, sans quoi, elle
perdrait son côté vampire, et mourrait, ses années de jeunesse éternelle la
rattrapant.
Memnoch
prit soin d’elle lors de la mort de Sarah ; les chasseurs de créatures
mythiques les avaient trouvés, et ce fut alors pour ce père de la nuit et sa
fille une vie d’errance, de violence et de sang. Jusqu’à ce que, la nuit du
trente et un juillet 1995, Memnoch amena un jeune homme pour Némésis, et elle
goûta à son premier sang, et elle devint ainsi la Day Walker.
Le reste du grimoire était abîmé, mais
Emilie avait maintenant les réponses à toutes ces questions. Elle réfléchit, et
elle sut alors que ces corps que l’on retrouvait chaque semaine était l’œuvre
de la femme avec qui elle venait de coucher. Plus que de la peur, c’était des
questions qui lui venaient à l’esprit. Pourquoi elle ne l’avait pas tuée ?
Elle avait été si douce, se pourrait-il que ce ne soit pas la même
personne ? Non, non, Némésis, ce n’est pas commun comme nom, et puis, la
description, c’était exactement elle. Elle décida alors de piéger Némésis, et
d’en savoir un peu plus.
Chapitre 9
La semaine se passa relativement vite, pour
l’une comme pour l’autre, et le vendredi de leur rendez-vous arriva.
Emilie avait un plan, il était inutile
d’utiliser la force, puisque Némésis possédait une puissance inimaginable, mais
Emilie le savait, elle avait un point faible : elle. Elle pouvait le voir
dans ses yeux, chaque fois qu’elle la regardait, ses yeux s’assombrissaient de
désir, Emilie n’était pas loin de penser que si elle le lui demandait, Némésis
ramperait devant elle. Elle organisa donc une soirée romantique, un bon dîner,
des chandelles, de l’absinthe, et une pointe d’eau bénite, rien qui ne pourrait
la tuer, mais suffisamment pour l’étourdir, et peut-être même, lui faire perdre
connaissance. Elle espérait seulement qu’elle se sentirait assez en confiance,
et que l’envie de renifler de trop près son verre de vin ne lui vienne pas à
l’esprit, car là, elle ne donnerait pas cher de sa vie, à vouloir ainsi trahir
la confiance d’un tel être.
Heureusement pour elle, Némésis, qui
s’était sustentée la veille, baissa sa garde avec Emilie, après tout, qu’est-ce
qu’un mètre soixante pourrait bien lui faire, et finalement, elle ne
connaissait rien de sa double vie. Ce fut là une grave erreur, car lorsqu’elle
leva son verre et porta un toast, en remerciant les grandes puissances pour
avoir mis Emilie sur sa route, à peine avait-elle avalé une gorgée du poison
qu’elle se sentit défaillir, presque étouffer. Elle tendit la main, agrippa la
nappe qui tomba avec elle, entraînant les restes du repas, tachant ainsi les
dalles blanches du sol de la salle à manger. Elle se cogna la tête au coin de
la table et la dernière chose qu’elle vit avant de perdre connaissance fut le
regard mi triomphant mi effrayé d’Emilie.
Chapitre 10
Un mal de crâne, monstrueux… Quand avais-je
ressenti une telle douleur pour la dernière fois ? Je ne m’en souvenais
même pas. Avant d’ouvrir mes yeux, j’eus conscience de la pluie qui tombait,
lointaine… J’essayais de relever ma tête, mais un haut le cœur me stoppa.
Etrange, je n’ai jamais de nausée si j’ai mangé. Je laissais cette pensée de
côté et me concentrais sur mes yeux, qui refusaient obstinément de s’ouvrir.
Dieu ! Depuis quand suis-je si faible ? Tant pis pour mes yeux,
essayons l’odorat. Je pris une profonde inspiration, me préparant à analyser ce
que mes sens allaient trouver. Je ne comprenais rien, pas de vue, pas d’odorat…
Mais que s’était-il passé ?
Peu à peu la mémoire me revint.
Emilie ! Cette petite garce m’avait empoisonnée, ça ne se passera pas
ainsi, je pensais que tu étais spéciale petite, je me suis trompée et tu viens
de signer ton arrêt de mort.
Elle tenta de se lever, mais à peine
fut-elle debout qu’elle retomba en arrière ; ses poignets étaient
solidement attachés à sa cheminée ; depuis combien de temps était-elle
dans les vappes, probablement plus d’une semaine, puisque ses sens vampiriques
ne l’aidaient pas. Elle avait faim, et elle se sentait vieillir peu à
peu ; si elle ne mangeait pas dans la semaine, elle allait mourir, de
faim, de vieillesse, deux cent trois ans dans les dents, en moins de sept
jours, ça ne devait pas être facile à encaisser. Elle avait la bouche sèche,
les yeux dans le vague, elle tenta d’appeler Emilie, mais aucun son ne sortit.
Elle était trop affaiblie. Enfin, après quelques instants qui lui parurent des
heures, Emilie arriva, avec un bol de soupe.
« Sale garce… » Un murmure.
« Ne dis pas ça, je voulais savoir, tu
me fascines tellement, j’ai été effrayée que tu ne te réveilles pas au bout de
trois jours. Je ne savais pas quoi faire, le grimoire ne disait rien
là-dessus. »
Faiblement, Némésis la questionna sur le
grimoire, et Emilie lui raconta tout, ses doutes, ses recherches, son piège
(l’eau bénite et l’absinthe).
« Je veux que tu ailles mieux Némésis,
je le veux, je te l’assure, mais je ne sais pas comment faire. J’ai ressenti
une connexion avec toi, ce jour-là à la pizzeria, je suis certaine que toi
aussi, tu l’as ressentie. Nous sommes des âmes sœurs toi et moi. Laisse-moi
devenir comme toi. Tu dois manger si tu veux vivre, et moi, je veux vivre avec
toi. »
Némésis la regarda, elle ne bluffait pas,
elle pouvait sentir le battement de son cœur, calme, elle disait la vérité,
elle n’avait pas voulu lui faire du mal.
« Il me faut une victime… »
« Non, je serai ta victime, je sais
que si je bois ton sang juste avant que je ne meure, je serai comme toi, c’est
ce que je veux. Maintenant que je t’ai trouvée, je ne te lâcherai pas. »
Lentement elle s’avança vers la cheminée,
ôta les menottes et les chaînes des poignets de Némésis. Celle-ci, encore un
peu faible, s’écroula presque sur la jeune blonde, sa tête au creux de son
épaule. Elle pouvait sentir les palpitations du cœur d’Emilie dans son cou, de
son nez, elle sentit son odeur, puis l’odeur du sang, si proche. Si elle
voulait faire d’Emilie un Day Walker, il fallait qu’elle boive jusqu’à la
dernière goutte de son sang. Elle entraîna Emilie dans une étreinte passionnée,
rejeta sa tête en arrière, ouvrit la bouche, et Emilie put voir ses canines
commencer à pousser, ses yeux devenir transparents. Lorsque les lèves de
Némésis touchèrent la peau brûlante de son cou, elle se laissa aller, c’était
si bon, comme un suçon, et pendant que Némésis la buvait, elle lui envoyait
tous ses souvenirs, de ces derniers deux cent trois ans. Alors qu’Emilie
s’affaissait, elle la coucha sur le canapé, s’ouvrit le poignet et le plaqua
sur la bouche entrouverte de sa jeune compagne. D’abord, elle laissa couler
quelques gouttes, puis Emilie reprit connaissance, elle attrapa le poignet de
Némésis, et but, jusqu’à plus soif. Ce n’était pas la première fois que Némésis
le faisait, mais c’était la première fois qu’elle savait avoir un avenir avec
quelqu’un, et elle sut que jamais elle ne tuerait Emilie.
Pour
celles qui veulent savoir, Némésis est en fait une déesse grecque. Fille de Nyx
(la Nuit), elle personnifie la vengeance divine, elle châtie les crimes et
punit aussi les amants cruels. Pour échapper aux avances de Zeus, elle se
changea en oie, mais Zeus prit la forme d’un cygne et s’unit à elle. Némésis
pondit un œuf et donna ainsi naissance à Hélène (si si, celle de la guerre de
Troie !). Source : Dico de la mythologie grecque et latine, aux
éditions Marabout.
Quand
au nom de Memnoch, je l’ai emprunté à Anne Rice et ses « Chroniques de
vampires ».
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