dimanche 19 avril 2015

De l'importance du baiser

Au fils des années, j'ai connu plusieurs femmes, aimé certaines d'entre elles, eu juste beaucoup d'attachement et de tendresse pour d'autres. Toutes ont eu un impact dans ma vie, forcément, comme chaque personne que nous rencontrons, peu importe si la relation est amoureuse, amicale, professionnelle, etc.

Je me souviens de mon premier baiser, lors d'un jeu, quand j'avais douze ans. Il s'appelait Nelson, et j'ai eu l'impression d'avoir une limace dans la bouche. J'ai détesté cette sensation d'un corps étranger et humide.

Je ne me souviens malheureusement pas de mon premier baiser avec une femme. Je me rappelle son prénom, heureusement, puisque je suis restée un peu plus d'un an avec elle.

Je me souviens surtout de celles qui ne voulaient pas embrasser, que ce soit juste un smack ou avec la langue.

Etonnamment, la première à m'avoir interdit de l'embrasser, c'était Ma, l'amour de ma vie, la femme que j'ai aimée d'une passion dévorante, et malheureusement destructrice. La toute première nuit que nous avons passé ensemble, je lui ai beaucoup parlé, pour la rassurer. Elle était hétéro, c'était la première fois qu'elle passait une nuit avec une femme. Je lui ai demandé la permission pour chaque geste que j'ai fait, et lorsque je lui ai demandé si je pouvais l'embrasser, elle a refuser. Du haut de mes vingt-deux ans, je n'ai pas compris tout de suite, et ai été un peu vexée et étonnée. Après tout, je venais de passer ma langue dans un endroit bien plus intime que sa bouche. Elle m'a alors dit que pour elle, embrasser était bien plus intime, qu'on pouvait faire l'amour sans que ça nous touche trop émotionnellement, mais que de m'embrasser, ce serait se laisser aller à plus. A l'époque, elle était fiancée, son homme était à Londres à ce moment-là, il me semble. Ce qu'elle m'a dit a eu un sens, et j'étais tellement amoureuse d'elle déjà, que rien que de la tenir nue dans mes bras me comblait de joie.

Au petit matin, je devais partir travailler, et je lui ai proposé de rester chez moi jusqu'à ce que je revienne, ce qu'elle a accepté. Ne sachant pas trop comment lui dire au revoir, un baiser étant exclu, mais ne voulant pas non plus lui faire la bise après la nuit que nous avions passée, j'ai opté pour le baiser sur le front. Plus qu'amical, un peu moins qu'amoureux (dans ma tête). A peine m'étais-je penché au-dessus d'elle qu'elle m'a agrippée derrière la nuque et m'a rouler le monstre patin. Ce matin-là, elle m'a ouvert son cœur, et nous ne nous sommes plus quittée pendant plus d'un an.

Par la suite, toutes les filles avec qui je suis sortie ou juste eu une aventure, je les ai toutes embrassées, même celles d'une seule nuit. Jusqu'à récemment.

En août 2013, j'ai connu une fille, qui avait pas mal de problèmes à résoudre et qui m'a un peu utilisée comme un sextoy humain. Je ne peux pas me plaindre, j'ai été consentante, j'ai juste mis trop de temps à me rendre compte que j'étais utilisée et que je me laissais faire. Bref, elle ne voulait pas m'embrasser, ce qui fait que quand j'allais la voir, pour me dire bonjour, elle "m'étreignait". J'utilise des guillemets car c'était plutôt une tape amicale dans le dos qu'autre chose. Quand je lui ai demandé pourquoi elle ne m'embrassait jamais, car ça me manquait, cette connexion avec la personne, ce sentiment de fusionner, malgré le fait que nous n'étions pas amoureuses l'une de l'autre, elle m'a répondu qu'elle avait des soucis avec ça, qu'elle ne voulait pas en parler. Finalement, un soir, elle m'a embrassée, le hic, c'est qu'elle était ivre, et qu'elle a failli m'étouffer. J'ai trouvé son baiser violent, dominateur, complètement inapproprié.

Plus récemment, en janvier de cette année, j'ai fait la connaissance de Fl, je vous en ai déjà parlé dans un précédent post. Elle non plus, lors de notre première nuit, elle ne voulait pas m'embrasser, car pour elle, c'est ainsi qu'on s'attache, et elle ne le voulait pas, ce n'était pas la moment. A force, on s'est quand même embrassée quelques fois, mais surtout car j'insistais et que par dépit, elle se laissait faire. J'avoue ne pas avoir été respectueuse sur ce point-là. Cependant, ça a un peu changé à force qu'on se voit. N'étant pas amoureuse de moi, elle ne m'embrassait jamais quand j'arrivais chez elle, mais j'avais le droit de la serrer dans mes bras, et c'était une réelle étreinte, qu'elle me rendait. Lors de notre soirée en boîte, elle m'a embrassée, beaucoup, souvent, j'ai adoré, j'avoue. Plusieurs fois, lors de sortie dans un bar, elle m'a embrassée en public. Juste un smack, mais c'était déjà un immense effort de sa part, vu qu'elle n'était pas complètement out en tant que bisexuelle. Un fait étrange cependant, le soir où l'homme avec qui elle allait coucher était là, alors que nous étions tous trois dans un bar, quand il est parti aux toilettes, elle s'est penchée au-dessus de la table pour m'embrasser (un smack). Je n'ai pas tout saisi dans la courte histoire que nous avons vécue, mais probablement qu'elle non plus.

Mais je m'égare là. Je n'avais plus pensé à l'importance que le baiser a pour moi, et comme cette importance peut être différente pour les autres. J'ai besoin d'embrasser la femme avec qui je suis, que ce soit pour une nuit, pour une semaine, pour une vie. Dans un baiser, je peux la goûter, la sentir, communier avec elle, être proche, être qu'une avec elle. Un baiser m'a toujours fait énormément d'effet. Dans un baiser, je mets toute ma douceur, ma tendresse, mon désir, mes sentiments. Dans ma vie, j'ai vécu trois histoires importantes, chaque fois que ces femmes m'embrassait, je m'embrasais pour elles.

mercredi 1 avril 2015

Retour aux racines

Il y a exactement vingt ans, mes parents, mon petit frère et moi-même, nous nous envolions pour l'Inde.

J'ai été adoptée lorsque j'avais treize mois, mon frère quand il avait dix mois.

Depuis notre enfance, nos parents nous ont toujours parlé de notre pays d'origine. Il faut dire qu'ils ne pouvaient pas trop nous cacher notre adoption, vu que je suis particulièrement foncée, et bien que mon frère soit plus clair, il n'y avait aucun doute.

Depuis tout petits, ils nous ont expliqué d'où nous venions, pourquoi nous avions été adoptés (problèmes de stérilité), et depuis tout petits, ils nous ont toujours dit que le jour où nous serions suffisamment grands pour comprendre la démarche, ils nous emmèneraient voir notre pays de naissance.

Finalement, mes parents ayant divorcé lorsque j'avais onze ans, nous sommes partis avec mon beau-père à la place de mon père. Mais ce n'est pas plus mal, mon père n'a jamais vraiment été attiré par mon pays d'origine (mais c'est une autre histoire).

Il y a donc vingt ans, nous nous envolions de Zürich pour atterrir à Bombay, aux alentours de minuit, heure locale.

Quel dépaysement... Je n'ai malheureusement que peu de souvenirs, je n'avais que quatorze ans, et beaucoup de choses se sont passées depuis. J'avoue que j'aimerais beaucoup y retourner avec la maturité que j'ai maintenant. C'est un projet que j'ai, pour le jour où je serai dans une relation stable et durable, j'aimerais beaucoup montrer mon pays d'origine à la femme qui vieillira à mes côtés.

Bref, quel dépaysement... L'odeur déjà, qui vous prend les narines, vous laisse au bord de la nausée: mélange d'épices, d'ordures, d'encens, d'excrément, et la chaleur n'aide vraiment pas. Nous sommes arrivés vers les minuit et pourtant, il faisait aux alentours des 35°. L'écrasante humidité, également. A peine trois minutes dehors, et on sue, nos habits nous collent à la peau. Et le monde, une fourmilière... Cette ville ne dort jamais. La moitié de la population vit le jour, l'autre, la nuit.

Nous faisions tellement touristes, mes parents par leur couleur bien pâle, mon frère et moi, par nos habits, notre façon de bouger, ma façon de regarder les hommes dans les yeux.

Nous ne sommes pas restés qu'à Bombay, mais nous avons commencé  notre séjour dans cette ville car j'y suis née, et que mon frère y a été transféré. Nous avons visité l'orphelinat où nous avions fait nos premiers mois de vie (un orphelinat de Mère Teresa). Rude... De voir d'où je viens, de voir la misère, les centaines de gamins dans ces lits. Beaucoup plus de filles que de garçons, évidemment. Nous avions amené des vêtements, des médicaments, des jeux. Je me souviens avoir donné toutes mes Barbies (à quatorze ans, cela faisait bien longtemps que je ne jouais plus avec, de plus, ça n'a jamais été mes jouets préférés, moi, j'étais Playmobil...).

Après Bombay, nous sommes descendu sur Valiv, visiter une maison qui recueille des enfants qui ont encore leurs parents mais qui ne peuvent plus s'en occuper. Mes parents parrainaient une petite fille là-bas, nous avons pu la rencontrer, lui donner des habits, des jouets.

Nous nous sommes ensuite envolés pour le Rajasthan. Et nous avons fait un tour en voiture: New-Dehli-Jaipur-Amber-Agra. A Dehli, nous nous sommes arrêtés à l'orphelinat, pour donner des habits et des médicaments. Lors de notre départ de Zürich, nous avions neuf valises. Une seule était pour nous.... Nous avons vu les richesses architecturales de ce pays, des splendeurs, tant les abandonnés (comme Fatehpur Sikri) que ceux qui restent encore debout (le Taj Mahal, le fort d'Amber).

La dernière semaine, nous voulions décompresser un peu, nous sommes restés quelques jours à Goa. Manque de chance, la lune n'était pas avec nous et l'océan était déchainé. Pas d'eaux claires et calmes. Mais des éléphants sur la plage, et des rencontres incroyables.

Il y avait, chez les Indiens, une hospitalité incroyable. Nous avons eu la chance d'être pris en charge par deux locaux, tant à Bombay que dans le Rajasthan, et nous avons pu nous mêler à la population. Beaucoup de curiosité de leur part, ils voulaient savoir si mon frère et moi allions à l'école. Ils imaginaient la Suisse comme un pays où tout le monde est riche. Nous n'avons pas tellement rencontré de gens de la haute classe, d'où cette curiosité et cette ignorance de nos coutumes.

J'ai aimé ce voyage, j'ai aimé voir d'où je viens, j'ai aimé voir la richesse de mon pays d'origine, mais j'ai également souffert de voir et sentir sa pauvreté, ses trottoirs bondés de gens qui y vivent, des grappes de gamins qui nous entourent en mendiant.

Et j'ai souffert de ne pas savoir. Pas savoir si j'avais croisé quelqu'un de ma famille biologique, ma mère, mon père (bien que je ne suis pas sûre que ma mère biologique sache qui il est), des frères, des sœurs. J'aime mon frère de tout mon cœur, et quiconque dira qu'il n'est pas mon frère risque de se faire méchamment griffer. Cependant, comme avec le reste de ma famille, je ne partage aucun lien de sang avec lui. Il y a quelques années, je suis sortie avec une fille adoptée, qui est arrivée en Suisse avec sa sœur jumelle. Je trouve ça génial, de ne pas être seule.

Je ne vois plus les choses de la même manière, j'ai grandi, mûri, mais à quatorze ans, en pleine adolescence, j'étais en colère contre beaucoup de chose, et malheureuse par principe.

Je me rendais bien compte de la chance que j'avais d'avoir été adoptée: une famille, une éducation, une égalité, etc. Mais pendant bien des années, avant ce voyage, j'en ai voulu à ma mère biologique de m'avoir laissée. J'ai été trouvée sur un trottoir, quelques heures ou quelques jours après ma naissance. Je ne sais qu'une chose: j'avais encore mon cordon ombilical attaché à moi. Je ne saurai jamais rien d'autre. J'en ai beaucoup souffert, pendant longtemps. Maintenant, ça fait simplement partie de ma vie. Je suis la femme que je suis aujourd'hui car j'ai fait la paix avec tout ça. Je me sens profondément Suisse, mais je n'oublie pas d'où je viens. Et je sais que le jour où je retournerai là-bas, l'émotion sera décuplée par rapport à il y a vingt ans.

A notre retour, notre mère nous a demandé, à mon frère et à moi, ce que nous avions ressenti. Ni l'un ni l'autre n'avons pu répondre. Mon frère et moi n'en avons jamais parlé, aujourd'hui encore, nous ignorons ce que ça a fait à l'autre. Mais comment dire à sa famille la douleur, l'émotion, l'espoir, que nous avons ressenti en étant là-bas? Ma mère est une pleureuse, vraiment, pour un rien. Comment aurais-je pu lui dire que j'aurais voulu connaître ma mère biologique?

J'ai écrit un texte, un mois après notre retour, en classe, pour une note. J'aimais beaucoup écrire à l'époque, ça s'est un peu perdu avec les années. C'est un texte pour lequel j'ai reçu une super note, et mon prof a insisté pour le lire à la classe. Après trois lignes, je me suis mise à pleurer, et mes copains de classe ont prié notre prof d'arrêter là.

Voici ce texte:

Amour naïf et innocent effleurant des ses douces mains mon cœur meurtri
Gestes tendres et intimes échangés lors de nos étreintes folles
Amour d'une inconnue partagé avec une inconnue
Amour d'une femme, d'une mère, qui lâchement m'a laissée
Ses bras accueillants et protecteurs entourant mon corps frêle
Sa bouche déposant sur mes joues des baisers doux et affectueux
Amour éternel franchissant les obstacles du temps
Amour introuvable que je cherche depuis longtemps
Amour impossible fuyant mon âme et mon cœur
Amour interdit m'éloignant de tout
Amour trop pauvre et trop loin à présent
Amour imaginaire n'existant que dans ma tête
Je t'aime maman

C'était en mai 1995, deux-trois semaines après notre retour. J'ai toujours gardé ce texte. Bien que maintenant, ce ne soit plus le même sentiment que j'ai pour ma mère biologique, elle est dans mon cœur, l'idéal que j'ai d'elle. Contrairement à certains de mes amis qui ont également été adoptés, je n'ai aucune envie de retrouver ma famille biologique. Si ma famille adoptive est dysfonctionnelle et que j'en changerais bien quelques membres, j'ai trouvé dans mes amis, la famille que je me suis choisie. De plus, retrouver ma famille biologique, c'est risquer d'être terriblement déçue. Si j'ai été abandonnée à ma naissance, c'est pour une bonne raison, je doute qu'il y aurait de la joie dans les yeux de ma mère biologique si je me pointais à sa porte après plus de trente ans. Je préfère garder mon idéal et ne pas subir de déception (surtout que je l'ai vue, cette déception, chez quelques-uns de mes amis adoptés qui ont retrouvé leurs familles biologiques)