Je ne saurais dire si Ma a été l’amour de ma vie, ce que je
sais, c’est que je l’ai aimée quand j’avais 15 ans, puis quand j’avais 22 ans.
Peut-être même que je l’ai aimée quand
je l’ai rencontrée, à 12 ans.
Nous avons vécu une histoire passionnée, nous nous aimions d’une
telle force que nous avons été consumées et détruites.
Lorsque nous n’étions pas ensemble, ça nous faisait mal,
physiquement. Nous vivions une relation fusionnelle. Je me souviens n’avoir pas
souvent vu mes amis à l’époque où nous vivions ensemble. Et clairement, ça a
été une erreur, il y a un risque de se retrouver seul lorsqu’on rompt. Heureusement,
mes amis ne m’en ont pas voulu.
Depuis le début que je tiens ce blog, j’avais envie et
surtout besoin de parler de ce qui nous a détruit. Peu de gens sont au courant,
autour de moi. Ceux qui savent m’ont bien entourée, ne m'ont pas jugée, j’ai eu de la chance.
Quand Ma et moi avons emménagé ensemble, ça faisait à peine
trois mois que nous étions un couple. Je vivais alors dans un village de
montagne, éloigné de la ville et des gens qu’elle connaissait. Elle m’a proposé
de vivre avec elle, j’ai dit oui, j’étais tellement amoureuse, même si avec le
recul, c’était une mauvaise idée. Bref. Pendant les trois premiers mois, tout s’est
bien passé, elle venait chez moi presque tous les soirs, malgré le peu de temps
qu’on pouvait passer ensemble (j’avais un boulot aux horaires de fous). Puis
nous sommes descendues nous installer en ville, et ça allait encore assez bien,
même si personne de son entourage ne devait savoir que je n’étais pas juste sa
colocataire.
Un soir, elle est venue me chercher à mon travail, je le lui
avais demandé. C’était une erreur, j’aurais dû garder ma vie professionnelle et
ma vie privée séparée. Un de mes collègues a craqué sur elle.
Nous n’étions pas motorisée, il nous a ramené chez nous, et
il lui a demandé son numéro de natel, parce qu’il avait envie de la revoir. J’étais
dans la voiture, à l’arrière, quand elle a dit « pourquoi pas ? »
et lui a donné son numéro.
Evidemment, j’ai grogné, évidemment, elle s’est excusée en m’assurant
qu’elle ne s’intéressait pas du tout à lui.
Quelques jours plus tard, elle est rentrée du boulot avec un
bouquet de roses qu’il lui avait offert. J’ai tenté de lui expliquer à quel
point ça me faisait mal, d’autant que j’étais très jalouse (tout comme elle d’ailleurs)
mais elle ne les a quand même pas jetées.
Les choses se sont calmées, j’ai pensé qu’il avait laissé
tomber, ou qu’elle lui avait dit qu’elle avait quelqu’un dans sa vie. Le truc
vraiment chiant, c’était un de mes collègues préférés, je m’entendais bien avec
lui, on bossait bien ensemble, on rigolait bien.
Le 31 décembre est arrivé. Le resto où je bossais était
fermé le soir par contre, ouvert le 1er janvier. Je ne pouvais pas
me permettre de sortir le 31 mais j’avais proposé à Ma de sortir faire la fête
avec ses amis. Elle a refusé en me disant qu’elle voulait être avec moi pour le
passage dans la nouvelle année, d’autant plus que mon anniversaire est le 1er
janvier. A partir de là, je lui ai demandé si ça dérangeait qu’on fasse une
petite soirée sympa chez nous avec deux de mes collègues.
Malheureusement, j’étais pas au mieux de ma forme le 31
décembre, une grippe ou quelque chose comme ça. Mes deux collègues sont venus,
on s’est fait un super souper, une soirée bien sympa, mais elle est restée
collée à lui toute la soirée. Lors des douze coups de minuit, je n’ai pas pu l’embrasser
car mes deux collègues n’étaient pas au courant que nous étions un couple, elle
ne voulait pas que ça se sache, d’autant plus qu’il était là, son prétendant.
Je me suis couchée peu de temps après, fiévreuse, et me suis
endormie. La porte de notre appartement a claqué, ça m’a réveillée et j’ai
pensé que mes collègues étaient partis. Ma n’est pas venue dans notre chambre,
j’ai supposé qu’elle rangeait un peu et je me suis levée. J’ai trouvé très
étrange que la porte de la cuisine soit presque fermée. Quand je l’ai ouverte,
je les ai vus, en train de s’embrasser. J’ai cru mourir à ce moment-là. Même
aujourd’hui, treize ans après, je n’ai pas souvenir d’avoir eu autant mal (et j’espère
franchement ne plus jamais ressentir une telle douleur). Je n’ai rien dit, je
suis partie me changer et je suis sortie de chez moi. Du moins, j’ai essayé,
car elle avait eu le temps de cacher mes clés et ses clés. Il est parti, il a
dû comprendre. Et moi, je criais contre elle, en larmes toutes les deux, puis
le premier coup est parti. Accidentel, j’ai balancé mon poing contre la porte,
elle s’est interposée pour pas que je me fasse mal et elle a reçu le coup de
poing. Je ne me souviens plus de la partie de son corps qui a reçu. C’était le
premier coup, la nuit de la St-Sylvestre 2003/2004. Je me suis maudite pour ce
geste, je me suis calmée, lui ai demandé des explications, elle m’a dit que ça
ne signifiait rien, qu’il l’avait surprise, qu’elle ne s’y attendait pas. Je l’ai
crue. Deux mois environ ont passé. Notre relation était houleuse du fait de ma
jalousie, de sa jalousie, de mon manque de confiance en elle, mais nous nous
aimions et c’était l’essentiel.
Un soir, j’ai remarqué qu’elle éteignait son natel la nuit,
ce qui m’a paru tout de suite suspect, elle ne l’avait jamais fait jusque-là,
elle n’avait aucune raison de le faire, malgré ma jalousie, je n’avais jamais
fouillé son mail ou son natel. Je l’ai questionnée plusieurs fois, mais elle me
sortait plein d’excuses bidons, je n’ai pas insisté.
Ses amis ignoraient que j’étais sa petite amie, mais mes
amis la connaissaient et savaient que nous étions un couple. Un jour, certains
d’entre eux m’ont dit qu’ils avaient vu Ma avec un homme, et qu’ils semblaient
assez intimes. Je n’ai pas voulu les croire, mais plusieurs autres m’ont dit la
même chose. Finalement, à bout, j’ai fouillé dans son natel et j’ai trouvé des
dizaines de sms qu’ils s’étaient envoyés, depuis la nuit du nouvel-an. Quand je
l’ai confrontée, elle m’a menti, m’a prise pour une conne même en me jurant que
c’était des anciens messages (alors que la date et l’heure de l’envoi et de la
réception s’affichent en bas du message). Et j’ai alors pété les plombs et nous
avons basculé dans l’horreur et la destruction.
Le coup est parti, voulu cette fois-ci, rapide, et extrêmement
violent malgré ma petite taille et mon manque de force physique. Toute la
colère, toute la tristesse, tout le désespoir que j’avais se sont manifestés
sous forme de violence, de rage. Durant trois mois, à chacun de ses mensonges,
elle recevait mes coups. Tout est très flou, je me vois la battre, je me vois
la soulever du sol, je me vois lui asséner des coups dans des endroits qui
seront cachés par ses vêtements, je la vois tomber, et c’est comme si je n’étais
pas dans ce corps qui la roue de coups, c’est comme si je m’observais et que je
ne pouvais pas empêcher cet autre moi de faire du mal à l’être que j’aime le
plus au monde. Dans ces moments-là, il y a beaucoup de cris, de larmes, les
siens, les miens. Et quand elle tombe au sol, je me réveille, je la prends dans
mes bras, je m’excuse, je prends soin d’elle, je la soigne. Elle me dit qu’elle
ne m’en veut pas, qu’elle sait que ce n’est pas moi. Ces « crises »
ne sont pas régulières, en fait, c’est chaque fois qu’elle me ment et que je
sais qu’elle me ment que je bascule de l’autre côté. Encore aujourd’hui, je
suis étonnée de ne l’avoir jamais envoyée à l’hôpital tant c’était violent. Je
l’ai suppliée d’appeler la police, qu’elle porte plainte contre moi, car je ne
savais pas comment m’arrêter, je tremblais de partout, j’étais loin. Tant de
fois je l’ai suppliée de se défendre, d’appeler la police, et elle a toujours
refusé. Je n’ai jamais su pourquoi.
Puis il y a eu cette dernière journée. Je n’en ai pas
beaucoup de souvenirs, je crois que mon inconscient me refuse l’accès total à
cette journée.
Elle était partie en vacances deux semaines en Toscane, avec
un de ses amis de l’Eglise. Du moins, c’est ce qu’elle m’avait dit, elle m’avait
dit avoir besoin de ce temps loin de moi pour savoir ce qu’elle ressentait encore
pour moi. Elle m’appelait tous les deux jours pour prendre de mes nouvelles, me
dire que je lui manquais. Et il s’est avéré qu’elle est en fait partie avec son
amant. J’ai eu la confirmation par la mère de son amant, puis par Ma ensuite.
Mais je brûle les étapes.
Le jour de son retour, je l’ai attendue en bas de chez son
père, voulant la prendre sur le fait, mais elle avait été maligne, son amant l’avait
déposée ailleurs et elle est arrivée à pied, surprise de me voir, mais
visiblement heureuse. La veille de son départ, nous avions fait l’amour, et à
son retour, bien que nous n’ayons rien fait, nous sommes restées toute la
journée enlacées, à nous embrasser. Puis le lendemain, après que je lui ai dit
pour la centième fois que je savais qu’elle était partie avec lui, elle a
finalement avoué. J’ignore pourquoi, mais sa confirmation a été terrible pour
moi. J’ai hurlé, je l’ai balancé du lit, j’ai détruit une table en verre, j’ai
tout retourné dans l’appartement, elle me suivait, en criant, je l’ai projetée
à travers le salon, j’ai détruit les négatifs des photos qu’elle avait prises
lors de ses vacances (avec mon appareil photo qu’elle m’avait demandé de lui
prêter avant de partir). Elle a eu le temps d’appeler mon frère et ma meilleure
amie de l’époque qui sont arrivés très rapidement. Elle s’est enfermée dans la
chambre d’amis pour que je ne puisse pas la toucher. J’ai mis toutes mes forces
à essayer de défoncer la porte, heureusement, elle a tenu. Mon frère et ma
meilleure amie se sont interposés, ils ont dû se mettre à deux pour me faire
reculer. Ma meilleure amie m’a emmené dans sa voiture, et nous sommes parties.
Je ne me souviens pas de tout, elle m’a dit, par la suite, que je tremblais et
que j’écumais. Je n’en ai pas souvenir. C’était la dernière fois que je
touchais Ma, la dernière fois que je lui faisais du mal.
J’en ai fait des cauchemars pendant des années après ça, je
sais que c’est une des raisons pour lesquelles je suis ensuite tombée malade,
et depuis ce jour, je ne me mets plus en colère. Ou alors, c’est très bref,
juste le temps de quelques minutes. Je ne m’autorise pas à céder à la colère,
par peur de ce que je pourrais faire, par crainte de perdre le contrôle, même si
je sais, je suis persuadée, que jamais plus je ne frapperai quelqu’un. J’ai eu
plusieurs copines depuis elle, certaines ont su ce que j’avais fait, je le leur
disais pas soucis d’honnêteté, une seule (à ce que je sache) ne s’est pas
sentie en sécurité et nous n’avons pas continué.
Il y a quelques mois, une fille m’a dit que j’étais
ennuyeuse, de ne pas me lâcher, de ne pas me mettre en colère même quand
certains trucs me dérangent. Oui, peut-être que je suis ennuyeuse, mais je n’ai
tellement pas envie de revivre ça, de faire revivre ça à quelqu’un.
Mon psy m’a dit que je n’avais clairement pas réagi de la
bonne manière au fait d’être trompée, mais que je savais me contrôler, que je n’avais
pas un comportement violent autrement, et que le fait que ça ne se soit plus
jamais répété tout au long des années signifies que c’était passager. Oui, très
certainement, mais ça n’empêche pas que j’ai ruiné la vie de Ma, et la mienne.
Il y a quelques années, j’ai croisé Ma, pas vraiment pas
hasard, mais bref. Je voulais m’excuser, et elle m’a dit qu’elle m’avait
pardonné depuis longtemps, et que je devais me pardonner aussi. Je ne suis pas
sûre d’avoir encore réussi.
Je voulais partager cette sombre période (courte, heureusement) de ma vie, car on
parle presque exclusivement des violences faites aux femmes dans les couples
hétéros mais presque pas dans les couples lesbiens.
Toi, ennuyeuse? Ca me sidère qu'on puisse te dire ça. C'est un sombre épisode que tu nous contes là. Un épisode qui te fait peur et qui te fait mal.
RépondreSupprimerOui, on m'a dit cet été que j'étais ennuyeuse, à force de ne pas me laisser aller.
RépondreSupprimerEt effectivement, très sombre période, qui ne se reproduira jamais. J'avoue n'avoir pas passé une bonne nuit. J'ai rêvé de Ma, et c'était douloureux.
Cette période me hante nettement moins qu'il y a quelques années, mais ça reste un des pires moments de ma vie, et de la sienne, sans aucun doute.